Le SSUAP va t’il durer encore longtemps ?

suap

 Le secourisme, puis le « Secours d’Urgence aux Personnes » (SUAP) et maintenant le SSUAP (ajoutez soins pour le second S) connaît de nombreuses évolutions majeures depuis le 19ème siècle. Le but ici n’est pas de parler du passé mais bien du présent et peut-être du futur … D’où viens-je ? Qui suis-je ? Où vais-je ? Dans quelle état j’erre ? Le SSUAP tel que nous le connaissons aujourd’hui va t’il durer ?

Rescue18 vous propose un focus sur l’aspect dit « professionnel » du secourisme. Sans aborder le secourisme dit « grand public » pour lequel il y a aussi tant de choses à dire !

Réformes, améliorations, modifications : où cela nous mène t-il ?

Pour commencer, le contexte :

Depuis les années 1980 nous avons connu plusieurs grandes « réformes » dans le milieu :

  • Les années 1980/1990 avec les formations GES (Gestes élémentaires de Survie). Le BNS (Brevet National de Secourisme), complété des mentions « ranimation » et « secours routier ». La fameuse « trilogie », et là je vous parle d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître.
  •  Les années 1990/2000 voient de nouvelles terminologies apparaître comme l’AFPS (Attestation de Formation aux Premiers Secours). Le CFAPSE (Certificat de Formation aux Premiers Secours en Equipe) et le CFAPSR (Certificat de Formation aux Premiers Secours Routiers). Je passe ici les détails sur les formations intermédiaires tels que AFCPSAM et AFCPSSR (est-il nécessaire de détailler un « bide » ?). Au-delà des mots c’est la philosophie qui change. Nous passons à une ère de formation pratique où les gestes techniques sont travaillés lors de « cas concrets ». La théorie et l’anatomie disparaissent des programmes. Les fameuses « fiches bleues France-Sélection ». Les sapeurs-pompiers maintiendront un complément de formation de quelques heures autour de ces thématiques.
  • Enfin le passage de SUAP à SSUAP avec l’intégration de la notion de soins avec la loi MATRAS
Les années 2000
  •  Les années 2000/2007 avec successivement l’arrivée des défibrillateurs semi-automatiques (DSA) pour le grand public (autorisés depuis 1998 pour les non-médecins).L’apparition du PSE1 et du PSE2 (Premiers Secours en Equipe de niveau 1 et 2).
  • A partir de 2007 et en lien avec la loi de modernisation de la Sécurité Civile de 2004, le Dispositif National de Formation de l’Acteur de la Sécurité Civile (DNFASC). Oui, oui cela m’avait échappé avec la mise en place le système des différentes filières :
    • Action citoyenne : PSC1 (Prévention et Secours Civique de niveau 1 – ne cherchez pas de niveau 2 il n’existe pas)
    • Opération de sécurité civile : PSE 1 et PSE 2
    • Sécurité civile au travail : ici vous trouverez des projets, mais à date le SST (Sauveteur Secouriste du Travail) est, et reste le SST. Les plus mauvaises langues diront que deux ministères travaillant de concert est aussi probable que la paix dans le monde
    • Pédagogie de sécurité civile : PAE 1-2-3 (Pédagogie Appliquée à l’Emploi) PIC 1-2-3 (Pédagogie Initiale Commune)
  • 2012 et une première modification autour des référentiels relatif à l’enseignement des premiers secours
  • 2014 avec la modification du Référentiel National de Compétences et une appellation de « Recommandations relatives aux premiers secours »
  • 2018 : nouvelle version des recommandations
  • 2019:  nouvelle version des recommandations
  • 2021 : nouvelle version des recommandations

Je vais passer ici les aspects de la formation continue, j’ai pu évoquer ce point lors d’un article précédent.

Le SSUAP en France

En 2020, c’est près de 3.613.300 d’interventions SUAP sur les 4.290.700 interventions réalisées sur l’année. Cela représente plus de 84% de l’activité opérationnelle ! (Chiffres DGSCGC). La formation représente t’elle cette proportion ? La réponse est non. Il serait d’ailleurs déraisonnable de demander un alignement.

Le document ci-contre montre de plus, que le domaine SUAP est extrêmement vaste et nécessite un champ de compétences large pour assurer les différentes missions.

La part majoritaire reste cependant le secours à domicile que ce soit dans la catégorie « urgence vitale » ou « situation de carence ».

C’est d’ailleurs dans ces situations à 3h00 du matin que le sapeur-pompier doit réagir vite et bien.

La formation ? 

Majoritairement subie ! Le simple fait d’évoquer le mot SUAP suscite souvent bougonnements et autres manifestations de déplaisir à la machine à café. L’évocation de la journée de formation continue SUAP est toujours un moment assez complexe. Elle n’est d’ailleurs pas toujours organisée selon la réglementation ; certains chef CS invoquant une activité opérationnelle soutenue. Elle est ainsi morcelée en plusieurs séquences lors de manœuvres de la garde. Il n’est pas rare non plus que le temps dévolu soit largement amputé.

Ce que je viens de raconter à un coté caricatural et j’ai conscience que cela ne met pas en valeur notre corporation. Cependant, faire l’autruche ne résous rien et une partie des sapeurs-pompiers n’aime pas forcément le SSUAP pour diverses raisons. Je n’oublie pas à l’inverse toutes celles et ceux qui œuvrent et aiment au quotidien, travaillent et font avancer les choses.

Et il n’en reste pas moins que tout sapeur-pompier opérationnel a une formation continue à jour pour garder son aptitude.

Comment en est t’on arrivé là?

Dans les années 1990, (époque que je peux évoquer), le secourisme est enseigné par cette génération de moniteurs nationaux de secourisme des années précédentes. Soit des sommités en terme de connaissances anatomiques, humbles et désireux de partager leurs connaissances, déjà adeptes et convaincus par le « cas concret ». Soit des rois du bandage, possédant une règle dans la poche pour mesurer que l’écart entre les lignes bleues d’un bandage tortue devait être d’une régularité parfaite, ou bien la différence fondamentale, vitale qui sauvera indéniablement une vie=> « 2 ou 3 doigts sous le menton ».

Les gestes et le matériel de cette époque n’auraient rien à envier à une organisation « paramédics » Caisse de médicaments, préparation de « perfs », préparation de plateaux techniques pour les « médecins-capitaines » les fameux « Esculapes » ou « médecin SOS ». Au nom du bon sens commun et de l’organisation débutante de la médicalisation pré-hospitalière, notamment en province, on s’affranchissait de quelques règles.

Une volonté de revenir à des choses plus simples a été le leitmotiv pendant plusieurs années. Les différentes recommandations internationales et européennes ont rythmé notre réglementation. Et pas toujours avec sens. Le résultat est que, même si cela reste une nécessité, le SUAP a cette particularité d’avoir la réputation de « ça change tout le temps ».

Les gestes ont été longtemps conditionnés, pas besoin de se poser des tonnes de questions. « Un inconscient qui respire doit être en PLS » – Une personne ayant fait une chute de sa hauteur doit avoir un collier ». Qu’elle soit transportée assise ou marche dans le sas des urgences avec ledit collier, devrait rappeler pas mal de souvenir à quelques-uns.

Recommandations ? Obligatoires ? What is the question :

Une recommandation s’entend par le fait qu’elle ne soit pas obligatoirement suivie. Depuis 2000 l’ILCOR, soit International Liaison Committee On Ressuscitation réunit tous les protagonistes de tous les continents pendant trois semaines tous les 5 ans.

Les principaux objectifs de l’ILCOR sont de :

  • fournir un espace de discussion et de coordination sur tous les aspects de la réanimation cardio-pulmonaire et cérébrale dans le monde
  • encourager la recherche scientifique dans le domaine
  • favoriser la diffusion des savoirs et la formation à la réanimation et aux premiers secours
  • fournir des moyens de collecte et d’analyse des données scientifiques dans le domaine et permettre leur partage
  • produire des recommandations appropriées qui reflètent un consensus international

Lors de ces différents travaux il existe quatre niveaux de gestes :

  • Catégorie 1 : gestes réputés incontournables (ex : compressions thoraciques lors du massage cardiaque externe) ;
  • Catégorie 2 : gestes réputés intéressants mais moins expérimentés que ceux figurant en première catégorie (ex : la position latérale de sécurité) ;
  • Catégorie 3 : gestes réputés définitivement dangereux (ex : méthode de Heimlich sur une victime couchée) ;
  • Catégorie 4 : gestes à l’étude.

La réponse est donc claire ! Vient ensuite le passage via le filtre Europe : l’ERC (European Resuscitation Council) pour enfin être décliné dans chaque pays via les processus prévus en la matière. En clair  dans ce monde numérique où tout est accessible en un clic, nous connaissons le futur et nous attendons « la réforme »….. Quelques années après…. Avec ses avantages et ses inconvénients !

(Source : Wikipédia)

Oui mais alors la suite ?

Tout élément présentant parfois une ressemblance entre les deux documents est surement une bonne chose. Il serait même intéressant que la DGSCGC, la « Fédé » et les SDIS ainsi que les unités militaires travaillent un peu plus de concert pour harmoniser la documentation tout en laissant une partie annexe sur le matériel. Tous ces sapeurs-pompiers sont majoritairement les mêmes !

Retrouvez ICI la vidéo de la dernière rencontre SUAP au congrès national de Marseille en octobre 2021 expliquant en détail les missions proposées pour le TSU.

Un changement nécessaire

Le changement du SSUAP quant à lui est nécessaire. La question n’est pas autour du pourquoi ?  – Même si parfois certains points relèvent plus du paluchage intellectuel servant un ego – Mais du comment ?

La problématique de fond n’est pas forcément sur le contenu et le fait que le SUAP est en évolution constante. L’accomapgnement au changement est nécéssire ! Entre la création et l’application, différentes étapes sont nécessaires et cependant bien souvent oubliées dans notre milieu. En deux schémas nous allons comprendre pourquoi :

Dans le premier schéma prenons l’exemple de l’implication :

=> Combien de chef d’agrès SSUAP participent aux projets d’amélioration ?

=> Combien de chefs de centre sont sensibilisés au SSUAP pour accompagner soutenir et expliquer ?

Dans le second schéma en caricaturant un peu, on passe souvent dans la remise du déni à l’action.

=> « Le SSUAP change encore pour la énième fois ! « 

Pour conclure

je rédige cet article avec un angle plutôt critique. J’en conviens et de nombreux contre-exemples positifs pourraient venir abonder afin de contredire le fond. Tant mieux !

Il était capital de redonner aux équipes et aux chefs d’agrès la capacité de pouvoir analyser la situation et adapter les gestes au contexte sans appliquer « bêtement » un référentiel. Ce changement de paradigme nécessite un travail de fond sur l’accompagnement à tous les étages de notre corporation et le SSUAP n’est à mon sens pas le seul secteur concerné.

Inclure le terrain dans la réflexion montre ses preuves. Ainsi un logigramme à « 12 niveaux » pour une prise en charge d’un trauma de la tête n’a pas été conçu par et pour un chef d’agrès à 3h du matin pour un relevage à domicile d’une personne allongée depuis la veille.

Développer les compétences d’analyse et les gestes techniques pour améliorer le service rendu aux citoyens notamment dans les déserts médicaux est un axe qui doit valoriser nos missions SSUAP, notamment auprès de nos partenaires du domaine de la santé.

Il semble aussi urgent de concentrer les forces sur l’urgence  – la vraie – pour redonner du sens : ce sens qui motive à nous engager.

Après 26 ans d’enseignement dans ce milieu, ce sens me manque cruellement. Je me suis promis de mettre un terme à la mission le jour où je sentirais que mon niveau ne correspondrait plus aux exigences attendues. Ce jour est arrivé et cet article revêt une forme de constat très synthétique, forcément personnel.

Je souhaite le meilleur à tous mes collègues qui continue au quotidien à faire que cette mission des « Soldats de la Vie » se réalise au mieux. Finalement comme si chacune des victimes prises en charge étaient un « membre de la famille » !

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