Sapeurs-Pompiers et Réseaux Sociaux

Drakkar - instagram

Altruisme, efficience, discrétion… DISCRÉTION ?

Il suffit de quelques clics sur les réseaux sociaux pour voir apparaitre des têtes qui commencent à être connues. Le phénomène des influenceurs touche également la sphère des sapeurs-pompiers via l’apparition de comptes qui sont visités par de nombreux jeunes qui veulent intégrer ou admirent le monde des secours. Les services d’incendie et de secours, eux aussi, exploitent ces supports qui sont devenus une véritable arme de communication et de recrutement.

Le mercantilisme et la popularité sont-ils compatibles avec l’éthique ? Épiphénomène de société ou nouvel outil de communication ?

Les Facebook, Instagram, TikTok et autres RS offrent à tout à chacun une tribune où l’expression est libre, à condition de rester dans les limites de la loi et des règlements. Néanmoins, le sapeur-pompier dispose aussi d’une contrainte morale, qui s’appelle « l’éthique » – et là – force est de constater que le curseur ne se place pas au même endroit pour tout le monde.

Quelle attitude adopter en tant que sapeur-pompier face aux réseaux sociaux ? Rescue18 fait le point et vous donne quelques pistes pour ne pas vous égarer sur la toile…

Drakkar - réseaux sociaux
Drakkar – réseaux sociaux

Réseaux sociaux VS droits et devoirs du sapeur-pompier

Quand on poste un élément sur un réseau social en tant que sapeur-pompier, c’est que l’on est en uniforme, ou que l’on met en avant sa position de sapeur-pompier pour diffuser une information, et donc faire de la communication. Mettre en avant son statut de sapeur-pompier n’est pas anodin et impose de se soumettre à des règles.  

On ne parle pas ici du simple fait de relayer une information d’un site officiel, mais bien de générer une action de communication. Ce qui, volontairement ou non, peut avoir des conséquences. Mettons en perspective les droits et obligations du fonctionnaire, la célèbre loi Le Pors du 13 juillet 1983, renforcée par celle de 06/09/2013 et regardons par transparence ce qui est autorisé ou non.

Les droits

Au nombre de 7 : liberté d’opinion politique, syndicale, philosophique ou religieuse / droit de grève / droit syndical / droit à la formation permanente / droit de participation / rémunération après service fait / droit à la protection.

Forcément, là, comme ça, rien n’interdit de faire comme on veut, de penser ce que l’on veut et de le diffuser par le moyen de communication qui nous fait plaisir, et même, d’être payé pour ça, sauf que le législateur, a opposé à ces droits, des obligations, les devoirs restant du monde des militaires, qui eux n’ont pas tout cet éventail de droits par la contrainte du service.

Les obligations

Au nombre de 7 : le secret professionnel / l’obligation de discrétion professionnelle / l’obligation d’information au public / l’obligation d’effectuer les tâches confiées / l’obligation d’obéissance hiérarchique / l’obligation de réserve / le secret médical. 

De plus, chaque SDIS, en tant qu’établissement public à son propre règlement intérieur et prérogatives en matière de communication.

Une fois que l’on a tous ces éléments en main, on comprend vite que se lancer de son propre chef vers une information au travers d’une publication sur un réseau social est fortement contraint. D’autant que les SDIS, communiquent déjà sur le sujet au moyen de leurs propres comptes. L’avantage de cette communication, c’est qu’elle est maitrisée. En effet, c’est souvent là que l’influenceur en herbe trouve les limites de son action. Pour faire simple, la Com’, c’est un métier, et l’on peut vite l’apprendre à ses dépens… 

Les Influenceurs

On retrouve, tout d’abord, ceux qui informent de façon désintéressée, comme notre ami du Texas, Firefrenchy. Ce cowboy est un pompier français qui est parti vivre sa passion outre-Atlantique et qui nous propose de petits reportages sur les techniques et les engins de son unité.

Ainsi, les RS « sérieux » de passionnés qui se limitent à faire connaitre et à mettre en valeur le matériel ou un corps de sapeurs-pompiers sont assez efficaces et accrocheurs. Le collectif est souvent mis à l’honneur et on ne demande aux internautes que des likes et du partage en retour permettant de faire fonctionner le média.

Les SDIS, et les unités comme la Brigade de Sapeurs-Pompiers de Paris ou le Bataillon des Marins-Pompiers de Marseille l’ont bien compris et ont ainsi investi différents supports et communiquent largement sur le recrutement, leur vie institutionnelle, opérationnelle ou sous forme de conseils. 

Des électrons libres ? 

Cependant, l’autre véritable phénomène de société, ce sont les influenceurs qui fleurissent sur la Toile à une allure impressionnante.

Appât du gain, égocentrisme ou simple envie de partager ? Le petit monde des pompiers a donc vu apparaitre plusieurs têtes qui ont leur public sur les différents RS. Chacun a son avis sur la question et il faut avouer que la situation est plutôt binaire. Soit on aime… soit on déteste !

Si l’utilisation de l’image et de la fonction de sapeur-pompier en tenue d’intervention pour vendre un produit ou générer un revenu reste discutable, c’est à l’autorité d’emploi de ces « pompiers du Net » d’en tirer les conclusions et d’agir. Même si certains reversent une partie à des oeuvres caritatives, ce qui est louable, le but est in fine de générer une source de revenus en utilisant l’image du sapeur-pompier pour vendre une méthode sportive ou bien encore une stratégie d’apprentissage pour se préparer à un concours.

Drakkar - instagram
Drakkar – instagram
Vous avez dit Altruisme ?

D’autres, de façon plus égocentrique et intéressée nous font de belles démonstrations de force ou de beaux discours – sans pour autant être en activité – et sans omettre plusieurs placements marketing. Pas folle la bête ! Nous avons donc le choix entre grand reportage et télé-achat. 

Mais tout de même ! Se targuer d’une bonne place lors d’une FI – restons humbles, ça reste le stage de base – faire de l’humour potache et douteux, ou pire, surfer sur les drames pour toujours plus de vues et derrière balancer du placement marketing… Bref, utiliser l’image, le rêve et l’espoir que suscite la profession de sapeur-pompier pour faire du business reste à l’appréciation de chacun.

Nous allons rester neutres et factuels, en laissant chacun à son libre arbitre.

Cependant, gardons en tête que l’action des sapeurs-pompiers est la résultante d’une démarche collective et que l’histoire nous montre, comme avec le Caporal Thibault, que l’individualisme n’est pas dans notre ADN et que la célébrité n’est pas un bon terreau à l’aboutissement professionnel. La reconnaissance de ses pairs est subjective et tronquée par l’aspect pécuniaire. 

La question que l’on est en droit se poser et qui doit interpeller est la suivante : « Quel est l’intérêt de ce genre de communication pour une profession qui reste la préférée des français dans de nombreux sondages ? »   

Les Bons Samaritains

Il faut le reconnaitre, les comptes ou chaines à but clairement mercantiles ne sont pas légion. Sachons donc différencier le camelot avec sa méthode « perlimpinpin », de l’amicale ou le collectif qui essaient de mettre en valeur une cause qui mérite d’être portée. Citons l’ODP, qui a besoin de ces relais et de ces réseaux. Avec en point d’orgue son fameux Festival ODP Talence qui est un exemple parfait d’une communication maitrisée au service du bien commun.

Montrer ses muscles pour donner une bonne image du pompier, prend encore plus de valeur et de saveur quand il y a au bout une cause bien plus noble que du business, et que des enfants handicapés peuvent vivre un rêve éveillé. Les Pompiers Raid Aventure, sont un exemple concret de cet investissement pour les autres. Ils sont parrainés par Samuel Etienne et ont reçu le prix ADOSSPP, il y a quelques années, pour leur engagement.

Enfin, s’il est une cause défendue par l’ensemble des sapeurs-pompiers et qui mérite une attention toute particulière, c’est bien le Téléthon, source de nombreuses pages et comptes sur les réseaux sociaux.

Les mythos…

C’est un point commun, à tous les niveaux, dans toutes les strates de la société, il y a toujours et partout, le gars en manque de reconnaissance qui se fabrique une vie et des actions héroïques pour monter dans la pyramide de Maslow. Les sapeurs-pompiers n’échappent pas à la règle et disposent d’un stock de ce genre de personnalités. Le portrait classique ?

Il a dans la vie de tous les jours le sac à dos Pomplard, le tee-shirt de son unité, des autocollants plein le pare-brise, il fait bien sûr ses courses en tenue et combat un feu par semaine dans « Pimpon magazine » avant de se réveiller en sueurs. Bien entendu, il a un compte Facebook ou on le voit en tenue devant un feu de palettes et une chorégraphie bien rodée sur Tiktok. Très vite repérés, ils sont canalisés en centre de secours et reviennent vite dans le droit chemin. Pour ceux qui adoptent un pseudo, cela leur permet de survivre cachés dans leur délire un peu plus longtemps, mais ils sont vite rappelés à l’ordre.

Il est difficile de quantifier le mal que ces « Ostrogoths » font à la corporation que ce soit en terme d’exemple pour la jeune génération ou vis-à-vis du public qui tombe forcément sur leurs publications.

Sans se moquer, et toujours avec humour, certains luttent à leur façon contre ce fléau. Citons le groupe Facebook « La grande vadrouille des pompiers », ou encore, notre ami Drakkar, qui illustre à merveille cet article.

Drakkar - communication
Drakkar – communication

Cas concret

Exemple

Les faits : lors des fêtes de fin d’année, l’équipage d’un engin-pompe est visé par des tirs de mortier. Un agent utilise son téléphone et filme toute la scène avec les commentaires de ses collègues à l’intérieur de l’agrès. On ne voit aucun visage, cette scène peut avoir lieu n’importe où.

La publication : pour dénoncer la violence des faits et le traumatisme subi par l’équipage, et sans aucun doute de bonne foi, l’agent en question poste sa vidéo sur un réseau social en précisant la commune de survenue des évènements. Il s’exprime avec émotion pour dénoncer des faits qu’il juge insupportables.

Les suites : en quelques heures la vidéo a fait de nombreuses vues et devient virale. L’agent ne maitrise plus son information et les commentaires qui accompagnent sa publication. Une grande chaine d’information contacte l’agent pour obtenir sa vidéo. Les élus de la commune en question font part de leur indignation à la direction du SDIS pour avoir mis en avant de façon défavorable un quartier en particulier, et demande des comptes. 

L’auteur du film sent la situation lui échapper, efface sa vidéo du réseau social et contacte le service communication du SDIS qui l’accompagne dans ses démarches. Cette affaire finit bien, mais démontre à quel point les choses peuvent vite devenir incontrôlables avec des conséquences que l’on ne maitrise pas… Même si à la base, cela partait d’un bon sentiment. 

La leçon

Avant de juger un peu vite du bien ou du mal, et de se placer en donneur de leçon, essayons de comprendre le cheminement qui a mené à cet incident et d’en tirer leçon pour faire monter en efficience nos actions futures. 

La situation à l’extérieur de l’engin qui dégénère et un équipage qui reste en sécurité dans son fourgon mais qui se sent acculé. Les interventions pour violence urbaine qui se succèdent accumulant de la fatigue et de la lassitude. L’utilisation de ce satané portable qui est normalement interdit sur opération, mais qui est sorti pour témoigner d’un vécu particulièrement stressant et en garder une trace personnelle. Le besoin de témoigner d’une violence sociale et d’une prise à partie injuste et démesurée quand on vient pour sauver une vie ou des biens. Le besoin de faire reconnaitre ou connaitre une situation dans le but de faire réagir à son profit ou à celui de l’institution. 

Pour éviter ce genre de désagrément, agréable ni pour l’agent, ni pour le SDIS, nous pouvons en tirer des axes d’améliorations comme :

  • Laisser le portable à la caserne ou en sécurité dans l’engin. C’est au chef d’agrès d’avoir un rôle de catalyseur d’émotion et de gérer le comportement de ses agents en évitant qu’ils filment sur intervention. Éviter de diffuser le film sur les réseaux sociaux en le commentant.
  • Rendre compte au service communication du SDIS et retirer la vidéo afin d’éviter une surexploitation du film et des conséquences pires pour l’agent que l’attaque elle-même.

C’est au SDIS de traiter les faits d’agression sur les sapeurs-pompiers qui suit un process établi allant jusqu’à porter plainte.

Quelques bonnes pratiques

Voici quelques conseils et règles simples. Cette liste est non exhaustive :

– consulter le site de la CNIL et ses « bonnes pratiques » ; 

– ne pas divulguer une information sur une intervention, ou capturer des images ;

– suivre les chaines YouTube ou les comptes « officiels » des SDIS ou institutionnels ;

– éviter les chaines ou les comptes qui proposent in fine un service payant ;

– ne pas diffuser de visages ou de noms, notamment pour la sécurité des agents.

 Un doute ou une question, le service communication de votre SDIS et votre ResCom sont là pour vous aider et vous guider !

S’informer et se former

Dans cette profession, il existe des moyens simples pour s’informer et se former. Chacun pourra donc consulter les guides de bonnes pratiques de son SIS et les recommandations d’usages en matière de RS. Certains médias, type YouTube, proposent des vidéos avec des conseils simples et il est toujours possible de participer à une formation dite « COM / ComOPS ».

Enfin, il existe des ouvrages à ce sujet. Nous vous proposons ici un exemple MAIS pas de lien commercial afin d’être en adéquation avec l’idée maitresse du sujet. 


SYNOPSIS

« Entre la véracité d’une information transmise au grand public par les services de secours et le besoin permanent de travailler une image positive, même pour les sapeurs-pompiers qui sont pourtant la profession la plus plébiscitée par les Français, la communication ne s’improvise pas. Quoi dire ? Comment le dire ? À qui le dire ? La « Com » est un vrai métier, la ComOps est l’un des outils de ce métier. Parce que les gens qui décident ne peuvent pas tout voir et parce que la question est d’une autre nature, la ComOps peut permettre de réagir vite, en prenant des décisions rapides. Riche en exemples et en cas concrets, ce « cahier du savoir » est une mine d’informations qui se veut aussi un cahier pratique. »

Partenaires

Retour en haut
Aller au contenu principal