Souvent relégué à l’image du sauveteur musclé, le sapeur- pompier possède pourtant une culture et une littérature qui ont largement influé sur la langue française et ses différentes expressions. Fumer comme un pompier en est un parfait exemple. Prenez le départ direction l’Histoire…
La Langue française est certainement l’une des plus riches et des plus complexes à manier au monde. Elle foisonne d’expressions liées à des univers technologiques variés ou issues de divers emprunts régionaux. Les sapeurs-pompiers, héros anonymes du quotidien, ont marqué durablement les esprits par les instantanés que la population pouvait capter lors de leurs nombreuses interventions. Ainsi « fumer comme un pompier », formule datant de plus d’un siècle, est couramment employée dans le langage familier pour imager un gros fumeur. D’ailleurs de nombreux documents ou articles sur Internet en livrent chacun une version différente, bien souvent par pure spéculation et sans réels fondements. Il existe donc plusieurs hypothèses possibles à l’origine de cette expression populaire.
Première hypothèse
La première puise son explication en faisant allusion au visage du pompier noirci par les fumées suite à un incendie. Réducteur et qui, ne s’en tenant qu’à un simple constat visuel, ne tire son origine que dans l’imaginaire du quidam. Le pomplard bouffe de la fumée mais ne fume pas…
Seconde hypothèse
La seconde pourrait être suggérée par l’image du pompier sortant d’un local en feu muni de ses équipements. Idée reçue portée par les représentations iconographiques notamment au cours du XIXe et début XXe, où le sauveteur menait des reconnaissances revêtu d’une blouse Paulin ou d’un appareil respiratoire type Casassa par exemple. Les clichés ont la peau dure, et un veston de cuir, même bien graissé, ne fume pas forcément… ou alors seulement dans l’esprit du pékin qui passe. D’ailleurs le cuir ne fut adopté qu’en 1905 et donc bien après la période d’émergence de cette expression. C’est un peu comme : « Ça sent le CO m’sieur le pompier ! » Mais bien sûr… Et toi t’as fumé quoi ? Client !!!!
Et que dire de cette dangereuse hérésie qui consistait pour le sapeur à mouiller abondamment sa tenue pour ensuite affronter le brasier et qui, en ressortant, était entouré de vapeur d’eau ?! Si cette technique a pu être utilisée, avant la création de corps constitués, par les confréries religieuses sur leurs robes de bure entre autres, aucun document ou manuel, à partir du XVIIIe avec la création du service des Pompes par Dumouriez du Perrier, ne fait état de cette préconisation. Ce qui par contre a été oublié par les sapeurs-pompiers de nos jours est que nos anciens utilisaient l’amiante tissé comme vêtement de protection contre l’incendie en raison des qualités ignifuges de ce matériau d’après le Larousse édition 1873
La vérité est ailleurs…
Toutefois l’hypothèse la plus plausible renvoie à la fin du XIXe et plus exactement à partir de 1884, avec les différentes expositions universelles que Paris accueillit et qui permirent de découvrir de nouveaux matériels et/ou toutes ces nouvelles inventions qui ont donné lieu à de nombreux néologismes ou expressions populaires. Ainsi, « fumer comme un pompier » est certainement dû aux pompes à vapeur sur traction hippomobile, visibles de tous, qui étaient alors en service au sein du Régiment de sapeurs-pompiers de Paris, et c’est cette évocation qui a marqué les esprits. En effet, pour éviter une attente trop longue de mise en œuvre, ces pompes étaient constamment laissées sous pression dans les postes de secours. Lors d’un départ sur intervention, la cheminée de la pompe à vapeur laissait échapper un épais nuage de fumée et de vapeurs sur son chemin.
« Le pomplard bouffe de la fumée mais ne fume pas… »
Crédits photos et documentaire : Le Jargon du Pompier (Alain Bailloux & Drakkar)