Histoire des sapeurs-pompiers : l’incendie Bazar Charité

bazar charité le parisien

La naissance de la réglementation E.R.P

Mis en lumière très récemment par une série télévisé à succès, l’incendie du Bazar de la Charité le 4 mai 1897 est avant tout un drame humain avec 126 morts et plus de 200 blessés, principalement des femmes.

Si à l’époque l’émotion de cette catastrophe toucha l’opinion publique, c’est que la plupart des victimes étaient des dames de la haute société venues faire œuvres de bienfaisance, comme la duchesse d’Alençon, sœur de Sissi, Impératrice d’Autriche.

L’incendie du Bazar est aussi pour le sapeur-pompier, l’un des éléments déclencheurs d’une nouvelle « science » à la disposition des secours contre l’incendie: la prévention dans les Etablissements Ouverts au Public, qui deviendront plus tard les E.R.P……

Des matériaux inflammables

Le bazar est un bâtiment destiné à la vente pour des œuvres de charité.

Situé rue Jean Goujon à Paris, isolé, à simple rez-de-chaussée, c’est un  hangar rectangulaire de 80 m de long sur 13 m de large réalisé en planches et en poutrelles. L’aménagement intérieur est composé d’un ensemble de décors composant 22 boutiques, représentant une rue de Paris au Moyen Age, un ciel est matérialisé par une toile de bitume couvrant toute l’allée centrale. Les sorties sont mal réparties et s’ouvrent vers l’intérieur. Vu d’aujourd’hui, tout les paramètres sont au rouge si survient un début d’incendie. 

Le 4 mai 1897, 1200 personnes sont présentes, à 16h00 le feu jaillit d’un local cinématographe, se propage très rapidement aux décors et au ciel en toile de bitume qui s’affaisse sur la foule, mettant le feu à tout le bâtiment. En quelques minutes la toiture  s’effondre.

Une véritable trainée de poudre

Vers 16 h  survient l’accident fatal : la lampe de projection du cinématographe a épuisé sa réserve d’éther et il faut à nouveau la remplir. Monsieur Bellac, le projectionniste, demande à son assistant Grégoire Bagrachow de lui donner de la lumière. Plutôt que d’ouvrir le rideau en toile goudronnée, celui-ci fait l’erreur d’allumer une allumette, l’appareil est mal isolé et les vapeurs d’éther s’enflamment.

Quelques instants après, alors que les organisateurs ont été informés de l’accident et commencent déjà à faire évacuer, dans le calme, les centaines de personnes présentes dans le hangar, le rideau prend feu, enflamme les boiseries, puis se propage au vélum goudronné qui sert de plafond au Bazar. Un témoin décrira :

« Comme une véritable traînée de poudre dans un rugissement affolant, le feu embrasait le décor, courait le long des boiseries, dévorant sur son passage ce fouillis gracieux et fragile de tentures, de rubans et de dentelles. »

Au grondement de l’incendie répondent les cris de panique des 1 200 invités qui tentent de s’enfuir en perdant leur sang-froid. Certaines personnes tombent et ne peuvent se relever, piétinées par la foule tâchant désespérément d’échapper aux flammes.

La duchesse d’Alençon dit à la jeune comtesse Mathilde d’Andlau :

« Partez vite. Ne vous occupez pas de moi. Je partirai la dernière. »

À l’extérieur, les pompiers de ce qui est alors le Régiment de sapeurs-pompiers de Paris arrivent sur les lieux en à peine 10 minutes pendant que des grappes humaines surgissent du bazar transformé en brasier, par les 2 seules portes d’accès dont celle de gauche sera rapidement bloquée par des corps.

D’autres visiteurs tentent de se sauver par la cour intérieure. Une partie, moins d’une centaine, par un passage étroit, qui ramène à la rue Jean Goujon, sur la gauche du bâtiment en feu. Mais la fumée, la chaleur, l’amoncellement des corps finira par le rendre inaccessible. Une autre partie, environ une cinquantaine de personnes, par des échelles de près de 10 mètres, plaquées au mur de l’imprimerie La Croix, par ses ouvriers. Et une dernière partie, environ 150 personnes, sera sauvée grâce à l’intervention des cuisiniers de l’hôtel du PalaisMM. Gomery et Édouard Vaudier descellent trois barreaux sur quatre d’une lucarne des cuisines à 1,80 mètre du sol et passent des chaises dans la cour pour aider les rescapés à s’extirper de la fournaise. L’hôtel du Palais était la possession de la famille Roche-Sautier.

Un quart d’heure à peine après le début de l’incendie, tout est consumé : le hangar n’offre plus l’aspect que d’un amoncellement de poutres de bois calcinées, mêlées de cadavres atrocement mutilés et carbonisés.

« On vit un spectacle inoubliable dans cet immense cadre de feu formé par l’ensemble du bazar, où tout brûle à la fois, boutiques, cloisons, planchers et façades, des hommes, des femmes, des enfants se tordent, poussant des hurlements de damnés, essayant en vain de trouver une issue, puis flambent à leur tour et retombent au monceau toujours grossissant de cadavres calcinés. » 

Au lendemain du drame, les ruines encore fumantes, vient l’heure du Bilan….Terrible, car ce sont 126 corps qui sont sortis des décombres, dont 118 femmes, trois ne seront pas reconnues. L’impact médiatique, politique, et même diplomatique est considérable, créant un séisme dans l’opinion publique.

Des conséquences réglementaires, fondatrices de la prévention incendie

Les incendies répétés de l’opéra comique de 1838 et du 25 mai 1887 (115 morts), de la comédie française de 1781 et 8 mars 1900, de grands magasins tels que le bazar de la charité du 4 mai 1897 (126 morts) et de transports comme le métro station couronnes de 1903 ont fortement marqué l’opinion publique. Il s’ensuit :

01/09/1897 : Première ordonnance de police relative aux mesures à prendre pour prévenir et combattre les incendies.

27/03/1906 : Deuxième ordonnance de police concernant les mesures préventives et les secours contre l’incendie dans la ville de Paris. Cette dernière étend le champ d’application à certains dépôts, ateliers et divers établissements ouverts au public (titre 9) et apporte des modifications dont l’expérience a fait reconnaître l’utilité. Seuls deux articles sur 61 concernent les établissements ouverts au public.

L’article 46 prévoit que tous les établissements de plus de 100 personnes devront être munis de moyens de secours pour combattre un début d’incendie et pour
assurer la prompte évacuation. Ces moyens seront déterminés dans chaque cas particulier par la préfecture de police sur le rapport d’une commission spéciale (les prémices de la commission de sécurité).

L’article 47 concerne les dégagements (nombre, largeur, vacuité, sens de la
sortie, protection des escaliers, …).

Depuis, les textes de réglementation incendie ne cessent d’évoluer et de s’ajuster. La largeur et le nombre des issues de secours, le sens de leur ouverture, les normes de résistance au feu des matériaux permettant l’évacuation du public, le nombre de personnes d’admises…..

Autant de contraintes qui n’existaient pas en 1897, et qui font de l’incendie du bazar de la charité, le parfait exemple de ce qu’il ne faut pas faire. 

Un drame humain encore bien présent

Pour en savoir plus…

Lien vers le site gouvernemental concernant la législation ERP.

La série

Crédits et sources : Wikipédia / photo illustration Le Parisien

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