La messagerie opérationnelle chez les sapeurs-pompiers

COS pompier

La messagerie opérationnelle joue un rôle crucial dans la gestion des interventions des sapeurs-pompiers. Elle permet de renseigner et de coordonner tout en garantissant une communication efficace et rapide entre les équipes sur le terrain et les centres opérationnels.

Cet article explore les principes de base, les techniques utilisées, ainsi que les défis de la messagerie opérationnelle, en s’appuyant sur les guides de doctrine et de techniques opérationnelles de la DGSCGC, les partages d’expériences (PEX) et les retours d’expériences (RETEX).

NDLR : Cet article constitue une synthèse et ne s’oppose pas aux textes nationaux, ni aux règlements en vigueur dans vos SIS.


L’importance de la messagerie opérationnelle

La posture du COS, la qualité de sa (ses) demande(s) de moyen(s), son intonation de voix et la pertinence de la rédaction de ses messages sont autant de reflets qui permettent « d’apprécier de l’extérieur » le commandement d’une intervention. Il est donc nécessaire de maitriser le vocabulaire opérationnel dans les messages de compte rendu et de renseignement car ces derniers :

  • permettent de renseigner la chaîne hiérarchique avec des informations claires sur la situation ;
  • permettent à des strates de commandement supérieures d’anticiper ;
  • peuvent être exploités par une autorité judiciaire, de police ou une assurance ;
  • représentent une forme de « signature opérationnelle » du COS.

Les messages ont pour vocation d’informer l’autorité à propos de la situation, des actions engagées mais aussi des difficultés auxquelles les secours peuvent être confrontés. La typologie de message varie en fonction de la cinétique de l’intervention, de son déroulement, des besoins du terrain.
(extrait – GDO Exercice du commandement et Conduite des opérations)

La contexture des messages et la méthodologie d’emploi est soumise aux règlements émanant de la DGSCGC et de l’OBNSIC (Ordre de Base National des Systèmes d’Informations et de Communication) qui est décliné également en version départementale en qualité d’OBDSIC. Voici quelques articles de rappel avant de poursuivre …


Les différents types de messages

Répartis en cinq grandes catégories, les principaux messages sont les suivants (extrait GDO) :

  • Le message de statut lié à l’état opérationnel du moyen : départ, présent sur les lieux, disponible ou non, etc…
  • Le message d’ambiance : transmis le plus tôt possible, il a pour objectif de décrire une vision globale de la situation au centre opérationnel.
  • Le message de commandement : il permet à l’ensemble des acteurs de terrain ou de gestion d’identifier sans ambiguïté qui détient la fonction de COS. Cette prise de commandement peut être mutualisée avec le message d’ambiance.
  • Le message d’urgence : il permet de prendre la priorité des transmissions dans le cas d’une situation de mise en danger. Il peut être associé à la diffusion du signal de repli en cas de risque imminent pour les personnels.
  • Le message de compte-rendu : il permet d’informer l’autorité de la situation en cours, de ses possibles évolutions, des actions entreprises et des besoins supplémentaires.
Message Ambiance - GDO DGSCGC
Message Ambiance – GDO DGSCGC
Message de Renseignements / compte-rendu - GDO DGSCGC
Message de Renseignements /
compte-rendu
GDO DGSCGC

En fonction d’un certain nombre de critères (nombre de groupes, dimensionnement de l’intervention, nombre de SP, etc…), le COS peut disposer d’un véhicule poste de commandement (PCC ou PCS) qui aura pour mission, entre autres, de préparer les différents messages. L’article ci-dessous traite de son fonctionnement et des rôles de chacun.


Quelques bonnes pratiques à retenir :

  • Le message d’ambiance se passe idéalement dans les 5 premières minutes après son arrivée sur les lieux ;
  • Le message de renseignements se passe idéalement dans les 20 premières minutes après son arrivée sur les lieux ;
  • Utiliser la structure « je suis, je vois, je prévois, je fais, je demande » ;
  • Il est utile d’utiliser un carnet de messages qui permet de « se poser » et de bien écrire son message ;
  • Certains SIS ont placé le « je demande » en premier pour permettre au CODIS d’honorer la demande plus rapidement ;
  • Antares offre la possibilité d’utiliser des « statuts » qui correspondent à des situations données. Ainsi, le COS peut, en quelques clics sur son TPH, renseigner le commandement sans se faire de « nœuds au cerveau » sur le vocabulaire opérationnel ;
  • Une lance (quelque soit son débit) est « en cours d’établissement » ou « en attente » ou « en manœuvre« , pas en action ! Ce dernier terme n’est pas prévu dans notre lexique professionnel ;
  • Faites la distinction entre les lances canons (LC), les lances grandes puissances (LGP) et les lances à débit variables (LDV). Cela aura pour effet de correctement décrire le dispositif hydraulique mis en œuvre et donner une indication claire sur le dimensionnement de votre intervention ;
  • Il n’est pas nécessaire de dire qu’une lance est établie de plain-pied ou sur tel FPT ou engin pompe. Restez global. Par exemple :  » 4 LDV 500 en manœuvre dont une sur MEA… ». Cela facilitera vos messages ;
  • En situation critique ou lorsque de nombreux sauvetages et/ou mises en sécurité sont en cours (précisez les moyens : par les communications existantes, MEA, etc…), il peut être judicieux de préciser aussi qu’une lance est « en cours d’établissement » si elle n’est pas encore en manœuvre. Cela montre votre intention de lutter contre les propagations et de mener plusieurs actions salvatrices simultanément ;
  • Une action en cours devra apparaitre terminée plus tard : il faut se figurer qu’un « tiroir ouvert doit être refermé ». Ex : ventilation opérationnelle en cours => ventilation opérationnelle terminée / opération de désincarcération en cours => désincarcération terminée ;
  • La notion de « feu éteint » correspond à la fin des opérations de lutte contre l’incendie ; cependant, d’autres actions menées par les sapeurs-pompiers peuvent se poursuivre. Il conviendra donc, au dernier message, de transmettre « opération(s) terminée(s) » permettant d’indiquer la fin des actions menées pas les sapeurs-pompiers.

La catégorisation victimaire

Selon l’instruction relative à la procédure d’élaboration d’un bilan victimaire de décembre 2022, la catégorisation « terrain » réalisée par les sapeurs-pompiers est la suivante :

  • Les victimes décédées ;
  • Les victimes en urgence absolue (graves) ;
  • Les victimes en urgence relative (légers) ;
  • Les impliqués qui ne présentent pas de blessures mais qui ont été impacté par l’événement.

Aussi, il est important de bien différencier ces 4 catégories lors du bilan victimaire qui est passé dans vos messages. Il est également pertinent de préciser quand SINUS est activé et les évacuations des victimes vers les structures médicales.

astuce

Lors de vos messages, il est judicieux :


Savoir clôturer un incendie

Un PEX, très pertinent, du SDIS 29 (disponible ici sur le site du PNRS) est venu préciser l’importance de maitriser les notions de « feu circonscrit », « maître du feu », « foyer principal éteint » et « feu éteint ».
Trop souvent, le COS passe « feu éteint » d’emblée alors que de nombreuses opérations se poursuivent. Cependant, selon le GDO Incendie, il faut passer « foyer principal éteint » pour déclencher le chrono des actions de déblai, dégarnissage et surtout de surveillance.

extrait PEX SDIS 29
extrait PEX SDIS 29
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extrait PEX SDIS 29

Exemple de messages

Contexte : feu d’appartement avec engagement d’un groupe incendie composé de 2 FPT, 1 MEA, 1 VSAV, 1 CDG.

Message d’ambiance : Codis XX du CDG XX, Je suis adresse, Je vois un violent feu d’appartement situé au 2ème étage d’un immeuble à usage d’habitation R+6/R-1, Je demande 1 FPT, 1 VSAV, 1 VAS, ENEDIS, GRDF, FO.

Message de renseignements n°1 : Codis XX du CDG XX,
Je suis adresse….,
Je vois un violent feu d’appartement situé au 2ème étage d’un immeuble à usage d’habitation R+6/R-1 – ajouts possibles : appartement traversant, bâtiment mitoyen/isolé,
Je prévois (plutôt du niveau Chef de colonne mais pas interdit pour un CDG) risques de propagations non écartés à …. ou écartés ;
Je fais plusieurs sauvetages ou X sauvetages et/ou mises en sécurité réalisés par … (communication existantes, MEA, etc….) ;
Bilan provisoire 2 UR, X impliqués, PRV activé telle adresse ;
2 LDV 500 et ventilation opérationnelle en manœuvre (si le dispositif hydraulique évolue, le préciser dans les messages suivants) ;
Services publics/privés (préciser lesquels) sur les lieux ;
Je demande … (ex) 1 CAI, 1 élu, etc… ;
Poursuivons reconnaissances / Reconnaissances en cours (en fonction de ce qui est en vigueur dans votre SIS).

Message de renseignements n°2 : Codis XX du CDG XX,
Foyer principal éteint (pas besoin de préciser que le déblai et la surveillance commencent = induit – En revanche, les étapes « feu circonscrit » ou « maitre du feu » peuvent être utilisées avant ;
Évolution du dispositif hydraulique si nécessaire ;
Bilan provisoire ….. donner son évolution et les évacuations ;
Services publics/privés (préciser lesquels) sur les lieux si nouveaux ;
Je demande … (ex) 1 CAI, 1 élu, etc… si besoin.

Poursuite des messages avec évolution des phases de la MGO, des bilans, des évacuations etc, mise en place d’un service de surveillance – ou non – par le COS ;

Message de renseignements n°X (après surveillance) : Codis XX du CDG XX,
Feu éteint, il intéressait un appartement de Xm2. Relevés caméra thermique « nuls, non significatifs » (au choix, l’idée est de faire comprendre que les températures suivent une baisse normale post incendie), aucun points chauds ne subsistent (encore un exemple) ;
Bilan définitif XXX ;
Je lève le dispositif de surveillance ;
Fermeture « des tiroirs » > Ex : déblai, dégarnissage, ventilation opérationnelle, reconnaissances, relevés toxicologique, etc… et opérations terminées.

D’autres exemples de messages opérationnels ICI

Ceci reste un exemple et ne s’oppose pas aux directives en vigueur dans vos SIS.


Savoir apprécier une situation

Certains SIS (Paris et certains SIS) introduisent une appréciation de situation par le COS qui peut-être utilisée à la fin de son message d’ambiance et/ou du premier message de renseignements. Cette locution distingue la notion de « reconnaissances en cours » et de « poursuivons reconnaissances« . De manière synthétique :

  • Reconnaissances en cours : le COS n’a pas encore une vision claire de toute l’opération mais estime qu’il n’y aura pas d’évolution défavorable ;
  • Poursuivons reconnaissances : le COS n’a pas encore une vision claire de toute l’opération et il envisage un risque d’évolution défavorable pour les personnes et les biens. Cette appréciation a pour but également d’alerter la chaine de commandement.

Quelques rappels sur le rôle du COS


Conclusion

Bien que parfois contraignante, la messagerie opérationnelle fait partie intégrante d’une opération de secours et répond à des règles et un vocabulaire bien précis. Si elle permet de renseigner le commandement, elle reste surtout un reflet qualitatif d’une intervention. Néanmoins, il est fort probable que ces concepts évoluent avec l’arrivée, dans un premier temps, de NexSis puis de RRF (Réseau Radio du Futur).

Sources et crédits : DGSCGC / PNRS / SDIS 29 / GDO + GTO / OBNSIC / image d’illustration via le site InfoPompiers (IA)

Alain Bailloux
Author: Alain Bailloux

Co-fondateur & Président Rescue 18. Officier sapeurs-pompiers. Ex-BSPP (chef CIS). Auteur des livres "Le Jargon du Pompier".

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