Intervenir dans un Immeuble de Grande Hauteur (IGH)

IGH La Defence O.Z Rescue18

Loin d’être anodine, elle est suffisamment rare pour être qualifiée d’exceptionnelle. Une intervention d’ampleur dans les entrailles d’un Immeuble de Grande Hauteur (IGH) n’est pas quelque chose de compliqué. La raison est simple et trouve son écho dans tous les éléments mis à dispositions des secours pour faciliter leur intervention. Rescue18 va ainsi réactiver votre savoir en faisant le tour de la question. 


Kesako un IGH

Tous les sapeurs-pompiers connaissent la définition d’un IGH, issu du code de la construction et de l’habitation, R122-2:

classification des igh. C.Fornaresio

Constitue un Immeuble de Grande Hauteur, tout corps de bâtiment dont le plancher bas du dernier niveau (PBDN) est situé, par rapport au niveau du sol le plus haut utilisable par les engins des services publics de secours et de lutte contre l’incendie : 

  • À plus de 50 mètres pour les immeubles à usage d’habitation
  • À plus de 28 mètres pour tous les autres immeubles
pbdn shéma de synthése
pbdn shéma de synthése C.Fornaresio

Les dispositions réglementaires concernant les contraintes bâtimentaires relatives à la sécurité incendie en IGH répondent à l’Arrêté du 30 décembre 2011 portant règlement de sécurité pour la construction des immeubles de grande hauteur et leur protection contre les risques d’incendie et de panique.

L’angle purement préventionniste ne manque pas d’intérêt car l’IGH reste le bâtiment le plus contraignant en matière de réglementation incendie. D’abord parce que la hauteur interdit toute évacuation par des moyens aériens (en tous cas au-delà d’une certaine hauteur), mais aussi parce que l’impact économique d’une évacuation générale du bâtiment doit être évitée. Malgré toutes ces contraintes, un départ de feu est toujours possible et c’est ce qui nous intéresse ici : l’intervention.  

Un IGH est un ensemble de de compartiments empilés – chaque compartiment équivaut à 2 ou 3 niveaux

Le cas particulier des ITGH (immeubles de très grande hauteur)

Les ITGH sont des IGH supérieurs à 200 mètres. Les normes de prévention sont quasiment identiques à celles d’un IGH et seuls deux points principaux viennent s’ajouter :

  • la présence d’un local d’environ 100m² à proximité du PCS (Poste Central de Sécurité, voir plus loin) ;
  • la présence d’un local intermédiaire au 2/3 de la hauteur.

Prevenir les risques en IGH

Un départ de feu en IGH reste un évènement rare, du fait des contraintes exigées par l’aspect prévention comme nous l’avons expliqué. Cependant, rien n’est impossible, le sapeur pompier le sait plus que tout autre. 

Une vigilance humaine

L’être humain reste le meilleur détecteur d’incendie aux heures d’exploitation. C’est souvent lui qui alertera les secours via l’interphonie de sécurité ou grâce à une ligne téléphonique dédiée. En IGH, les secours sont d’abord internes au bâtiment grâce aux équipes d’agents SSIAP (Service de Sécurité Incendie et d’Assistance aux Personnes). Composées a minima d’un chef d’équipe (SSIAP2) et de deux équipiers (SSIAP1), elles arment le PCS (Poste Central de Sécurité) 24h/24 et 7 jours/7. Pour les seconder, des ELS (Équipes Locales de Sécurité) sont formées par l’établissement et le service de sécurité. Elles assurent, sur chaque plateau, l’évacuation des personnes et en rendent compte en cas de diffusion des signaux d’alarme pendant les heures d’ouverture du bâtiment. 

Une surveillance technique

Une détection d’incendie, qu’elle soit humaine ou par le biais d’un SSI (Système de Sécurité Incendie) de catégorie A, est toujours validée ou invalidée par une levée de doute effectuée par les agents SSIAP. Il n’y a pas de temporisation en IGH, la détection engendre obligatoirement la diffusion des signaux d’évacuation, le compartimentage, et le désenfumage de la zone concernée. Si le feu est avéré, et qu’il est contrôlable, l’intervention sera gérée par les agents SSIAP. Dans le cas contraire, l’alerte aux secours public se fera immédiatement via une ligne directe entre le PCS et le CTA-CODIS, qui engagera le volume d’engins que lui impose le plan ETARE interne à chaque SDIS. 

Le PCS est l’équivalent de la tour de contrôle de l’IGH. C’est ici qu’arrivent toutes les informations relatives à la sécurité du bâtiment. Les alarmes ou les appels d’urgences, mais aussi les alarmes techniques au moyen d’une GTC (Gestion Technique Centralisé), sorte de domotique améliorée. C’est là que vont se rendre les premiers intervenants. Situé obligatoirement au niveau de l’accès des engins de secours, ceux-ci n’auront pas plus de cent mètres à parcourir pour rejoindre le PCS.


Quelques étapes importantes de l’intervention

Une fois arrivé au PCS, le sapeur-pompier va prendre contact avec le chef d’équipe (SSIAP2). À partir de là, seuls seront acceptés au PCS le COS et les officiers de la chaîne de commandement. Le chef d’établissement – via le responsable sécurité –  reste maître chez lui.

Le chef de poste doit rendre compte de la situation et informer le Commandant des Opérations de Secours de l’évacuation complète (ou non) du niveau concerné et de la situation du sinistre en cours. Conformément à la législation, il sera remis aux équipes de secours 4 postes radios (qui doivent couvrir tous les endroits du bâtiment), les plans d’interventions et les clés des ascenseurs prioritaires. Cet inventaire reste un minimum.

Le chef d’équipe et les agents SSIAP sont des atouts précieux et les meilleurs alliés du COS. En effet, possédant une parfaite connaissance du bâtiment et des organes de sécurité de celui-ci, leur concours est précieux. Attention tout de même, un agent SSIAP n’est pas un sapeur-pompier ! Même si une majorité d’entre eux sont souvent SPV, ou d’anciens sapeurs-pompiers d’unités militaires, leur mission n’est pas de lutter contre le sinistre. D’ailleurs, la législation est très claire sur le sujet : un agent de sécurité incendie ne doit pas être confondu avec un pompier et porte donc une tenue différenciée. Ils ne sont pas là, non plus, pour prendre la place des sapeurs-pompiers dans les missions les plus ingrates ; là aussi, il est courant de voir les sapeurs-pompiers confondre SSIAP et concierge de l’immeuble. En synthèse, l’agent de sécurité est un conseiller technique, une plus-value opérationnelle à disposition du COS. 

l'accès au poste central de sécurité
Rescue18
Cheminements, balisage et localisation des secours

Un cheminement sera matérialisé de la rue, jusqu’aux ascenseurs prioritaires où, a minima, deux cabines sont mises à disposition des sapeurs-pompiers. Le dispositif « non stop ascenseur » est asservi à la détection et interdit le stationnement des cabines au niveau impacté par le sinistre.

C’est aux sapeurs-pompiers d’assurer le rôle de liftier au moyen des clés mises à disposition par le PCS.

Quelques points clés pour une intervention en IGH
  • Tous les C/A des engins doivent se présenter au PCS
    • prise de renseignements
    • radio
    • plans et clefs (éventuellement)
    • mission donnée par le COS
  • Pour le COS, prise de renseignements approfondie (plans  + compte rendu des SSIAP) + prise en compte de la baie SSI et des informations fournies
  • Un liftier par ascenseur prioritaire. Faire en sorte qu’un ascenseur soit toujours au niveau d’accès tandis que l’autre se situe au N-2 (par rapport au sinistre)
  • Les équipes des 1er engins-pompes se rendent au niveau N-2 (par rapport au niveau sinistré) puis elles atteignent le niveau concerné par la cage d’escalier encloisonnée
  • La dépose du matériel se fait au N-2 sur un palier d’escalier de secours. Cela garanti aux personnels de secours de ne pas se trouver dans le même compartiment que celui sinistré et de bénéficier de la règle « coupe-feu 2h ». De façon pragmatique, il est possible de faire évacuer dans un premier temps le niveau situé au dessus du sinistre puis les deux niveaux inférieurs.
  • Application des règles de la MGO dans le niveau impacté pour combattre le sinistre
  • Si présence d’un RIA, il doit être utilisé en première intention, puis appuyé par d’autres lances si nécessaire
  • Appui/conseil de l’officier de garde prévention du SDIS si nécessaire
Nota :
  • L’engagement et les règles définies par le règlement opérationnel (RO) de votre SDIS priment
  • Pas de gaz dans un IGH (normalement… posez la question tout de même)

Pour utiliser correctement un ascenseur en mode prioritaire, vous pouvez être confrontés à différentes situations : 

  • soit briser « un verre dormant » pour ensuite actionner le mode prioritaire SP
  • soit se munir d’une clef fournie au PCS
  • Bien souvent, il faut garder le doigt appuyé sur le niveau où l’on souhaite se rendre !

Notions de prévention et de moyens à demeure

Qui contrôle l’air, contrôle le feu

Notion qui prend tout son sens en IGH. 

Ce schéma de principe reprend les deux solutions de désenfumage que l’on trouve en IGH. 

Le principe est de mettre les personnes en sécurité dès la Circulation Horizontale Commune (CHC) : c’est dans celle-ci que l’on trouvera l’accès aux cages d’escaliers, qui sont au nombre de 2 minimum par niveau. 

Chacune des cages d’escaliers est séparée de la CHC par un sas, dans lequel on trouve les colonnes en charges ou humides, elles-même alimentées par des bâches d’une capacité minimum de 120m³.

il existe deux solutions de désenfumage en IGH : A et B

Un scénario de feu en IGH prévoit qu’il n’y ait qu’un seul compartiment impacté par le sinistre. La ventilation d’un autre compartiment ne peut se faire qu’à la demande des sapeurs-pompiers. Il en est de même pour la ventilation de la Communication Horizontale Secondaire, provoquée par les sapeurs-pompiers via les ouvrants. On en retrouve 4 par compartiments, répartis judicieusement sur les façades.

Notons qu’en exploitation normale, l’utilisation des ouvrants est strictement interdite en IGH.

desenfumage igh Rescue18

Colonnes humides… et parfois sèches !

La colonne en charge – ou humide – est présente dans chaque cage d’escalier et dessert tous les compartiments de l’IGH. Elle propose une sortie de 65mm et deux sorties de 40mm pour l’alimentation des établissements d’attaque. Dans les étages hauts, il y a deux colonnes :

  • la colonne dite surpressée, qui présente néanmoins un inconvénient pour les secours. En effet, le surpresseur en sortie de bâche provoque une élévation parfois importante de la température de l’eau et peut provoquer des brûlures au porte lance.
  • La colonne gravitaire est, elle, dotée de prises d’eau une fois qu’il y a plus de 45 mètres en dessous de la bâche. La pression doit être comprise entre 4.5b et 8.5b.
  • Pour éviter les actes malveillants, les vannes des orifices de refoulement des colonnes en charges sont dépourvues de volant de manœuvre. Elles sont manœuvrables à l’aide du carré de la polycoise. 

Ces réservoirs, en plus des colonnes en charge, peuvent alimenter les RIA (Robinets d’Incendie Armés). Il y en a autant par niveau qu’il y a de cages d’escaliers. Ils sont disposés de façon à ce que toute la surface des locaux puisse être efficacement atteinte par un jet de lance. La pression minimale du RIA le plus défavorisé du réseau est de 4b en régime d’écoulement.  

Les bâches doivent fournir en permanence 120m³ et sont alimentées par le réseau urbain. Une alimentation de secours par les SP est toutefois possible.

Les secours ayant sur leur secteur un ou plusieurs IGH disposent de « Caisses » pour l’intervention en IGH avec le matériel nécessaire à l’établissement de lances sur les colonnes en charges.

ATTENTION : Vous pouvez rencontrer un IGH (ancien) pourvu uniquement de colonnes sèches et/ou d’une simple cage d’escalier encloisonnée donnant directement sur les paliers ! 
colonnes en charges 1 Rescue18

Evacuation et rassemblement

Les personnes évacuées de l’immeuble se retrouvent au point de rassemblement désigné physiquement par un logo normé. Seul les sapeurs-pompiers ou le service de sécurité ont l’autorité pour décider ou non du retour dans le compartiment évacué.


Résumons…

L’intervention d’ampleur en IGH est grandement facilitée grâce à l’apport technique et la connaissance du site par les agents SSIAP. Les sapeurs-pompiers doivent cependant s’attacher à visiter régulièrement le site pour connaitre ses particularités : PCS, accès pompiers, ascenseurs prioritaires, hydrants, organes de coupures, point de rassemblement, etc…

Pour aller plus loin…

Prv ConEx, l’application indispensable en prévention / Parlons sécurité incendie, le blog de la sécurité  incendie / Crédit photo : Le Moniteur

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