Balade parisienne et histoire oubliée des sapeurs-pompiers

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D’après Victor Hugo « errer est humain, flâner est parisien » ; aussi profitant d’une belle journée, la Team Rescue18 a donc décidé d’arpenter les artères de la capitale autrement qu’en déboulant gyro-deux tons à tous les coins de rue sans jamais prêter attention à certains détails… En avant donc pour cette balade parisienne pour pomplards !


Quartier Montparnasse…

Ne soyez pas à côté de la plaque

C’est donc sous un soleil radieux que nous débutons notre périple et au bout de quelques mètres, nous sommes interpellés par une plaque bleue émaillée sur la façade d’un immeuble ouvrier du 19ème siècle. Que peut bien vouloir dire « MACL » ? 

L’histoire nous apprend que vers la fin du 18ème siècle, certaines compagnies d’assurance obtiennent le droit d’étendre aux habitations, dans le cadre de l’incendie, leurs prérogatives jusque-là limitées au domaine maritime. Au cours du 19ème siècle, la Compagnie Royale d’Assurances Générales, désireuse de se faire un peu de réclame décide d’orner certaines façades de cette fameuse plaque dont l’acronyme signifie « maison assurée contre l’incendie ». L’idée plaît aux concurrents, qui, rapidement la reprennent à leur compte. C’est ainsi que de nombreux modèles en métal ou gravés dans la pierre voient le jour.

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Morts au feu

En remontant les rues du 14ème arrondissement, nous empruntons la rue Froideveaux qui longe le cimetière Montparnasse. Cette rue fut baptisée ainsi vers 1896 du nom de cet officier du Régiment de sapeurs-pompiers de Paris mortellement frappé par la chute d’une poutre en bois lors d’un incendie le 7 octobre 1882 boulevard de Charonne. On peut d’ailleurs admirer un tableau d’Emile Renard qui illustre ce drame, « mort du lieutenant-colonel Froideveaux », dans l’actuelle salle de traditions de l’État-Major Champerret. A l’instar de Froideveaux certains lieux de Paris, comme la rue du sergent Bauchat ou le square Salel, portent le nom de ces braves. Il est d’ailleurs toujours intéressant de constater que dans la pensée collective, le sapeur-pompier est un héros anonyme du quotidien, pétri de ses valeurs de discrétion et d’altruisme, et que seul le sacrifice ultime le fait basculer dans le « sacré » et lui octroie le droit qu’on se souvienne de lui et de son histoire. C’est certainement dans cet état d’esprit que le colonel Paris décida d’instaurer le rituel des « morts au feu » et d’apposer les plaques de marbre noir dans les centres de secours parisiens en 1881.

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Le cimetière

Pénétrant dans la nécropole, nous déambulons au milieu de ces centaines de sépultures d’hommes illustres ou de parfaits inconnus et qui en font le second cimetière parisien. Toutefois, Montparnasse est aussi un lieu de pèlerinage pour les sapeurs-pompiers de Paris car il accueille le caveau des morts au feu inauguré en 1883. Une cérémonie a d’ailleurs lieu tous les ans à la Toussaint afin de les honorer dignement. A proximité, on retrouve également le cénotaphe du caporal Thibault orné de la superbe sculpture réalisée par un adjudant-chef de la BSPP. La dépouille de cet illustre héros, à la fin presque tragique, et qui figure dans l’esprit de tous l’image du pompier sauveteur, repose au cimetière Montmartre avec son épouse.

En quittant le cimetière, nous apercevons un peu plus loin la tombe du colonel Amoros, qui fut chargé au 19ème siècle de l’enseignement de la gymnastique au Bataillon. Il est à l’origine de la création du premier gymnase au centre de secours Sévigné.

Paris historique…

Hôtel des Pompes

Nous décidons de rejoindre le Paris historique ; nous avons de la chance car la journée est magnifique ! Au cours du trajet nous empruntons, entre autres, la rue Bonaparte ; clin d’œil à celui qui a fait successivement du prestigieux corps parisien des gardes-pompiers en 1801 lorsqu’il était Premier Consul puis des sapeurs-pompiers en 1811.

30 rue Mazarine, quartier de la Monnaie, nous y sommes ! Face à nous, l’ancien Hôtel des Pompes et premier état-major des antiques (nom donné aux anciens gardes-pompes qui ont continué leur service comme gardes-pompiers). De l’autre côté de la rue se dressent le majestueux Institut de France et ses différentes Académies. Quand on pense qu’ils rédigent actuellement la neuvième version de notre dictionnaire de langue française… on attend encore qu’ils s’attaquent au jargon du pomplard !

Le secrétaire malgré lui

En 1695 François Du Mouriez de Périer, sociétaire de la Comédie-Française et secrétaire de Molière, découvrit les premières pompes à bras inventées par les Hollandais. En 1699 il convainquit le Roi Louis XIV de lui accorder le privilège de la fabrication puis installa le siège du service des Pompes rue Mazarine en 1705. Il devint directeur général des Pompes en 1716. L’état-major quitta les lieux en 1760 pour la rue Jussienne sous l’impulsion de Morat. L’hôtel est actuellement un immeuble d’habitation typique du vieux Paris et abrite autour d’une petite cour intérieure plusieurs appartements ainsi qu’une galerie d’art au rez-de-chaussée.

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Empruntant ensuite le quai de Conti, nous apercevons la péniche des plongeurs de La Monnaie, ou devrais-je dire le « commandant Bernier » du nom de cet officier du Régiment à l’origine du concept du bateau-pompe. Rattaché à l’actuelle 40ème compagnie, ce centre de secours flottant a longtemps fait partie de la 4ème compagnie. Plusieurs vedettes ou bateaux-pompes comme le « Lutèce », ou « l’Ile de France » y ont été affectés. Le commandant d’unité commandait donc une entité incendie et une entité nautique ce qui lui valut le surnom « d’amiral ».

Ile de la Cité

L’Etat-major se cherche

Nous voilà sur le Pont Neuf ; il a conservé le nom que lui donnèrent les parisiens lorsqu’il fut érigé en 1607 mais, paradoxalement, c’est le plus vieux pont de Paris. D’ici la vue à 360° sur de nombreux monuments est superbe. Encore quelques pas et nous voilà sur le quai des Orfèvres…

Suite à la création de la préfecture de police en 1801, l’Etat-major déménage une nouvelle fois et s’installe au 20 quai des Orfèvres. Peu de temps après l’avènement du Bataillon, une des quatre premières compagnies d’incendie créées s’installa à l’actuel n°34.

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Décidément les « huiles » (surnom donné aux personnels de l’Etat-major) ont la bougeotte ! Ils quittèrent en 1853 le quai des Orfèvres pour gagner l’autre extrémité de l’Ile de la Cité, rue Chanoinesse. En 1867, nouveau déménagement pour le 9 boulevard du Palais où l’on peut encore observer le majestueux portail du nouveau siège du Régiment. Un peu plus loin, on peut également remarquer un portail identique ; il s’agit en fait de deux hôtels particuliers qui furent à l’époque respectivement attribués au Régiment et à la Garde de Paris (future Garde Républicaine). Enfin, depuis 1938, l’Etat-major occupe l’actuel quartier général situé 1 place Jules Renard dans le 17ème arrondissement.

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La disparition des postes de secours

L’implantation du poste de commandement « Champerret » de la 5ème compagnie dans cette nouvelle enceinte a entraîné la fermeture du poste de pompes à vapeur « Ternes » situé au 24 avenue Niel. On peut encore observer le bâtiment et notamment les portes de remise assez caractéristiques des postes de secours, mais l’inscription sur le fronton a disparu. D’ailleurs, de très nombreux postes disparurent ainsi au cours du 20ème siècle suite à des travaux d’envergure dans la capitale. Ce fut le cas pour « Trocadéro », dans le 16ème, qui a été remplacé par « Dauphine » ou « Nationale », dans le 13ème, en 1973 avec la mise en service de « Masséna ».

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Quartier Opéra

Au loin nous apercevons un FMOGP circulant sur les quais. Engin récemment mis en service à la BSPP. Le concept EGP n’est pas nouveau puisque l’ancêtre du FA-CA était le GPD et que deux GPD formaient… un EGP ! « L’histoire est un perpétuel recommencement » selon Thucydide… Tu nous en diras tant l’ancien !

D’ailleurs, un détail nous revient, mais pour cela nous devons nous rendre dans le quartier Opéra. Nous voilà donc partis en direction du Palais Garnier en empruntant la rue de Rivoli puis l’avenue de l’Opéra. Cette dernière a la particularité de ne pas être boisée. Charles Garnier souhaitait en effet que l’opéra soit parfaitement visible des quartiers du Roi sans être gâché par la végétation.

Une histoire d’eau

L’objet de notre quête se trouve plus exactement sur le trottoir à l’angle de la place de l’Opéra et du boulevard des Capucines près du kiosque à journaux. Il s’agit d’une BI, quoique non, désormais on dit PEI. Bon nous verrons ça lors de notre prochaine tournée de bouches – Oups ! On dit Reconnaissance opérationnelle maintenant. Ahhhh… On en perd notre jargon ! Sacrée DECI…. 

Plus sérieusement, ces BI de 150 mm, recouvertes de mosaïques, ont été mises en service en 1923 et raccordées à des conduites d’eau non potables de 300m3/h pour alimenter les EGP. Au nombre de 200 environ, elles furent toutes remplacées par des BI jumelées de 100 mm.

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Un quartier fondateur

En longeant le Palais Garnier par la rue Halévy, on rejoint la rue La Fayette. Le lieu est, malgré les circonstances tragiques, fondateur pour le Bataillon au travers de la catastrophe de l’ambassade d’Autriche survenue le 10 juillet 1810. Sur la façade du bâtiment actuel, accueillant des commerces au rez-de-chaussée, on peut découvrir une plaque de marbre relatant les faits survenus et leurs conséquences directes. Cependant, cette plaque qui se situe à l’angle de la rue de la Chaussée d’Antin et de la rue La Fayette est au mauvais endroit ! En effet, l’incendie se déroula un peu plus loin aux numéros actuels 5 et 7 de la rue La Fayette dans l’ancien hôtel de Madame de Montesson. La cité d’Antin a remplacé l’ancien bâtiment vers 1830.

Le bal organisé par l’ambassadeur en l’honneur du mariage de Napoléon avec l’archiduchesse Marie-Louise, fille de l’empereur d’Autriche, se devait d’être fastueux et mille-cinq-cents invités environ étaient attendus. Aussi, afin d’augmenter la capacité d’accueil de ses appartements, le prince de Schwarzenberg loua une immense structure mobile en bois qu’il fît installer dans les jardins. C’est là qu’il est intéressant de noter la coïncidence des lieux avec des évènements plus proches de nous : cette salle de danse mobile était flanquée de plusieurs sorties, or, lors de l’incendie deux d’entre-elles furent obstruées dont celle qui débouchait sur la rue du Mont-Blanc, aujourd’hui disparue pour laisser place à la cité d’Antin et… la rue de Provence !

Certes, le raccourci peut paraître rapide car les incendies de l’ambassade d’Autriche et de l’hôtel Paris-Opéra (2005) sont géographiquement distants, pourtant la rue de Provence aura été le témoin d’un incendie fondateur pour cette institution puis d’un second qui verra un nombre de sauvetages très élevé et pour lequel la BSPP sera décorée de la médaille d’or pour actes de courage et de dévouement.

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Montagne Sainte-Geneviève

Nous décidons de retourner côté rive gauche et plus exactement de rejoindre le quartier Sainte-Geneviève. Nous voilà donc repartis alternant entre les grands Boulevards et les rues plus intimistes du Sentier. Parvenus sur l’Ile Saint-Louis, dont l’atmosphère est bien différente de sa voisine, nous apercevons au loin Notre-Dame et plus proche de nous, l’hôtel Lambert sur le quai d’Anjou. Ces deux édifices qui furent la proie des flammes, respectivement en avril 2019 et juillet 2013, ont été très médiatisés et ont mis en exergue la nécessité pour le COS de maitriser les principes de la part du feu et de la protection du patrimoine sans créer de dégâts dommageables dans des lieux pourtant très techniques. 

Une caserne gothique

Nous arrivons rue de Poissy. Là se dresse le collège des Bernardins construit en 1253 par les cisterciens et qui a abrité les sapeurs-pompiers de 1845 à 1993 avant qu’ils ne déménagent pour l’actuel centre de secours situé rue du Cardinal-Lemoine. Dire qu’avoir « la foi » pour occuper pendant 148 ans une telle bâtisse au beau milieu d’une salle de style gothique est un euphémisme… C’est peut-être çà aussi avoir le « feu sacré » !

En descendant la rue Monge, nous nous arrêtons quelques instants au numéro 49 et pénétrons dans les arènes de Lutèce qui pouvaient en leur temps accueillir 17000 personnes. Vestiges gallo-romains, elles ne furent redécouvertes que vers la fin du 19ème siècle et sont classées comme monument historique.

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un joyau de lart medieval au coeur du quartier latin
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Un vestige unique

Plus bas, au numéro 13 de la rue Clovis, à l’angle avec la rue Descartes, se dresse le porche d’entrée, de style Restauration, de l’ancien poste de garde « Clovis ». Cette caserne date de 1828 et fait partie de l’enceinte du lycée Henri IV. Unique fronton de Paris qui laisse apparaitre plusieurs attributs liés à l’univers des sapeurs-pompiers : hache, cordages, tuyaux, casque représentant un authentique modèle 1815 (1ère restauration), c’est aussi le seul vestige parisien connu des casernes disparues de la première moitié du 19ème siècle.

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Quelques mètres plus loin, nous voilà à nouveau frappés par la majesté du Panthéon qui trône en haut de la montagne Sainte-Geneviève, patronne de la ville de Paris. Parmi les 81 Grands Hommes et Femmes qu’accueille ce mausolée se trouve Jean Moulin, haute figure de la Résistance dont une avenue porte son nom dans le 14ème arrondissement.

Paris 14 et « Sécurité Parisienne »

Secteur atypique, ce quartier a été au cœur d’évènements décisifs lors de la libération de Paris en août 1944. On peut citer notamment l’arrivée de la 2ème division blindée par la porte d’Orléans ou la présence du bunker des Forces françaises de l’intérieur (FFI) sous la place Denfert-Rochereau.

Enfin, c’est en devinant au loin les traits de la tour Eiffel que nous nous rappelons que l’on doit aussi à un commando du Régiment de sapeurs-pompiers de Paris d’avoir hissé, sous le feu des balles, le drapeau français en haut de cette « Grande dame »… Sans doute, certains faisaient partie du groupe de résistants actifs au sein du Régiment, « Sécurité Parisienne », mais cela est une autre histoire…

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NDLR : article déjà paru dans « Soldats du Feu magazine » et « Allo18 LeMag ». Publié et enrichi par Rescue18 avec l’accord de l’auteur.

Sources, illustrations article crédits photo : Pinterest / Pineiro José / site armoiriesdeparis.fr – Pierre / Wikimedia Commons – Ordifana75 / Pinterest – Deutsch Jean-Claude / Paris ZigZag / Musée des Pompiers de Paris / photo Instagram @oenomaus_25 / CCØ Paris Musées / Musée Carnavalet – Histoire de Paris /

Alain Bailloux
Author: Alain Bailloux

Co-fondateur & Président Rescue 18. Officier sapeurs-pompiers. Ex-BSPP (chef CIS). Auteur des livres "Le Jargon du Pompier".

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