Ne vous trompez pas, baliser ce n’est pas qu’avoir peur, mais plutôt garnir, jalonner un lieu de balises, de cônes, de signalétiques, de lumières.
Ce sera le thème de ce partage de bonnes procédures – ou plutôt de bonnes pratiques, qui permettra de travailler sereinement et en sécurité sur les routes lors de nos opérations. Soyons donc acteurs de notre sécurité !
Un leitmotiv sécuritaire
Être acteur de sa sécurité nous accompagnera tout au long de notre carrière et ce dans tous les domaines. Il n’y a pas de matière opérationnelle où l’on peut être moins vigilant qu’une autre ; il n’y a pas un moment où l’on peut être moins vigilant qu’un autre ; non, parce que la finalité on la connait.
Ce n’est pas une piqure de rappel, ce n’est pas du rabâchage, c’est simplement une envie que vous rentriez tous avec le sourire, avec le plaisir d’une mission accomplie. L’inverse marque une carrière…
Intervenir sur un accident de la voie publique ou, comme l’a écrit le colonel Pourny dans son rapport, sur un accident de la voirie implique un déploiement de nombreuses bonnes pratiques que je souhaite partager avec vous.
Une histoire dramatique, plus jamais ça !
Il a fallu un drame pour que notre corporation prenne à bras le corps cette problématique que nous laissions aux services partenaires. Nous le savons tous et c’est le titre de ce « papier », quand nous arrivons en premier (98 % des cas), nous sommes acteurs de notre sécurité individuelle et collective et nous avons l’obligation de palier temporairement à la protection du site impacté par un accident pour protéger les victimes, les intervenants et les tiers jusqu’au remplacement par les services compétents sur le secteur.
Suite au drame de 2002, le rapport Pourny propose 220 recommandations dans différents domaines afin d’améliorer la sécurité des intervenants au sens large. Pour la partie accident de la voirie, des recommandations sont faites sur différents items :
Extraits du rapport
La prévention, la formation et le matériel.
- Prévention à destination des usagers
- Formation et information en milieu scolaire
- Formation lors du permis de conduire
- Formation à destination des secours
- Créer des formations au balisage chez les SP
- Élaborer des procédures «Balisage d’urgence»
- Assurer des liaisons avec les partenaires
- Entreprendre un travail national avec tous les acteurs
- Matériel
- Flash, Led, Bande réfléchissante, Cône K5a, AK 31, Gilet haute visibilité de couleurs vives
- Panneaux à messages…
Toutes ces recommandations, marquant un pas important, ne déclinent pas une finalité. Cette finalité, il faut la construire de bon sens, avec le matériel disponible, en reprenant ce qui se fait de mieux dans le domaine du balisage routier. C’est-à-dire appliquer les règles normalisées de balisage dictées par les services de l’État : à l’époque le ministère des Transports, aujourd’hui ministère de la Transition Écologique et de la Cohésion des Territoires.
Le bon sens et l’expérience ne seront guère retenus devant les tribunaux. Il est donc préférable de reprendre la 8ème note interministérielle sur le balisage d’urgence temporaire non mobile, celle qui correspond à nos besoins. Tous les termes recommandés dans le rapport Pourny sont écrits dans le titre de cette note.
Les services de l’État ou des départements intervenant sur les routes reçoivent lors de leur intégration une formation initiale minimale d’une semaine. Ils apprennent et mettent en application les différentes procédures du guide dénommé SETRA sur le balisage. Leur formation sur le balisage peut être enrichie pour certains secteurs présentant des particularités et elle reste permanente durant toute leur carrière. Nous avions le RIM, ils ont le guide du SETRA sur le balisage.
Nous avons les recommandations, un guide de balisage, il faut déterminer les distances permettant de créer cette bulle sécuritaire. Le code de la route rappelle aussi une règle simple.
Souvenir de vos cours du code de la route
Distance d’arrêt = Temps de réaction + Distance de freinage (facteur météorologique)
Qu’est-ce que le temps de réaction : Le temps de réaction correspond à la durée que met une information captée par votre cerveau pour être analysée et entraîner, si besoin, la décision de réaliser une action, si un risque se présente à vous par exemple. Ce temps de réaction n’est pas fixe et peut être allongé à cause de facteurs physiques, psychologiques ou liés à différents types de substances, ce qui augmente les risques que vous vous trouviez impliqué dans un accident de la circulation. (Source Ornikar)
Qu’est-ce que la distance de freinage : Le terme “distance de freinage” fait référence à la distance parcourue par un véhicule entre le moment où son conducteur commence à appuyer sur la pédale de frein, et le moment où celui-ci est à l’arrêt complet. (Source Ornikar)
Schéma de synthèse source Ornikar et www.envoituresimone.com
Approche opérationnelle
1 – A la réception de l’appel, le CTA regroupe les informations des appelants et les données instantanées de Waze ciblant ainsi le sens, le lieu précis (A, N, D, Pk etc). Tous ces paramètres renvoient à un nombre de véhicules nécessaires (VSAV, VSR, véhicule balisage), à une chaine de commandement voire des spécialistes (CT SR, RCH etc.).
2 – Chaque agent se munit d’un gilet haute visibilité et d’un moyen de communication sur canal Tactique.
- La communication souvent oubliée est, à mon sens, un facteur important pour la sécurité de notre mission. La communication permet en amont de notre arrivée de respecter les distances de sécurité et les distances de pose des premiers indicateurs d’accident (panneau AK31).
- La communication permet d’alerter rapidement d’une intrusion dans un dispositif.
- La communication informe le véhicule de balisage de l’allégement du dispositif et de la fin de mission.
3 – Assurer la protection collective à l’aide d’un véhicule de balisage. Des véhicules simples, armés de deux hommes, formés aux règles du balisage, disposant de haute visibilité sur l’arrière, d’un triangle AK 31 amovible sur le toit, d’un panneau AK 31 mobile, d’un chariot de cônes et de flash lumineux. Ce n’est qu’une déclinaison des propositions faites dans le rapport. Ce véhicule engagé sur tous les AVP assure le balisage en attente des services partenaires et est le premier rempart de sécurité des sapeurs-pompiers.
Des règles simples et de bons sens
Les agents veillent à ne jamais travailler sur l’arrière pour laisser le marquage haute visibilité et utilisent les portes latérales. Une fois le panneau AK 31 positionné, le sapeur-pompier installe les cônes protégé par le véhicule et progresse vers l’accident, son regard toujours porté vers le flot de circulation. Le balisage se poursuit au delà de l’accident et sur la voie opposée dans la situation d’un double sens de circulation. Le véhicule de balisage se positionne à une distance sécuritaire de la zone de travail pour protéger l’ensemble des acteurs de la zone et est immobilisé les roues tournées vers le bas-côté.
Le retrait du balisage se fait de l’aval vers l’amont avec toujours la même vigilance, même en fin d’opération. Cette phase est dans la plupart de nos missions doublée par le balisage des services partenaires. Cette double sécurité, encore une fois, n’est pas un luxe de nos jours.
Notre travail est fait d’aléas et lors d’un accident on n’y échappe pas. On pourrait utiliser le proverbe « ce sont les cordonniers les plus mal chaussés ». Je veux dire par là que lorsque notre dispositif est en place, on voit souvent arriver les forces de l’ordre ou l’employé du service partenaire qui gentiment vient nous serrer la main et prendre la température mais sans avoir pensé le moins du monde qu’il n’est pas couvert de son GHV.
Le premier COS sur les lieux, peu importe son grade, est responsable des personnels dans son zonage garantissant la sécurité collective. Par conséquent, avec sa plus belle voix rauque, il doit lui faire comprendre que le bleu n’est pas une couleur visible et que pour sa sécurité il serait préférable qu’il reste dans le périmètre de sécurité, qu’il revêtisse son GHV et que tout véhicule ne servant pas à additionner un balisage doit être placé en aval.
Quels sont les choix des départements français ?
Les véhicules balisage se développent de plus en plus dans les départements Français et dédouanent le VSR de cette mission. L’équipage du VSR peut ainsi se concentrer sur la mission principale, la désincarcération. Ce choix de développer les véhicules de balisage est le résultat d’une baisse des accidents et d’une baisse significative du nombre de personnes incarcérées. De ces situations, les moyens secours routiers ne sont plus déclenchés systématiquement.
Le véhicule balisage peut avoir plusieurs fonctions. Il peut également disposer de moyens de stabilisation (cales, cales escaliers, 1 étai) et assurer la stabilité du véhicule après la mise en place du balisage. Ce gain de temps avant l’arrivée d’un moyen SR permet une gestion plus rapide de la victime. En étant réaliste, les secours interviennent plus souvent pour du dégagement que de la désincarcération. Mais assurer la stabilisation du véhicule avant l’extraction de la victime est un gage de travail de qualité.
D’autres aménagements sont possibles sans franchir la ligne rouge. Il n’y a pas de normalisation sur un véhicule Balisage pour le moment. Quelques SDIS ont intégré des outils hydro-électriques de type outils combinés pour assurer la création d’un premier ouvrant. Cette spécificité entraine obligatoirement une formation et des coûts.
Et en pratique ça donne quoi ?
Estimation distances d’arrêt / vitesse Circulé
Distances dans l’environnement routier
Il serait compliqué d’utiliser une roulette ou un laser pour se rapprocher au mieux des distances de sécurité. La route vous offre des marquages réglementaires soumis à un strict respect de distances.
Schéma de principe
Le schéma de principe décline la construction d’un balisage, ici un déviatif puis un longitudinal, en mettant en avant la disposition des éléments matériels nécessaire, l’application des distances et le positionnement des véhicules. L’objectif est d’amener l’usager à modifier son comportement en réduisant sa vitesse et à changer sa trajectoire. C’est comme une recette. Vous avez les ingrédients, les dosages, il ne vous reste plus qu’à les saupoudrer sur différentes configurations.
Situation favorable ou le premier véhicule sur le lieux assure la première sécurisation du site
Situation défavorable ou le premier véhicule sur lieux assure la première sécurisation du site
Une situation défavorable peut devenir favorable avec l’arrivée d’un véhicule des forces de l’ordre. Un balisage peut être dynamique.
Le premier véhicule de secours sur les lieux assure la première sécurisation du site dans l’attente d’un moyen de balisage
Le véhicule de balisage est intégré dans le train de départ
Train de départ complet voies rapides
Les accidents sur voies rapides demandent encore plus d’attention. Les distances de signalisation seront augmentées obligatoirement comme l’indique le calcul de la distance d’arrêt. Il faudra s’adapter suivant la localisation sur l’une des voies. Votre ennemi peut devenir votre allié : j’entends par là que le ralentissement, le bouchon, limitera la vitesse et vous permettra de travailler en sécurité. Néanmoins la vigilance doit être de tous les instants.
Stop Net
Il se pratique au quotidien sur nos départementales. Là encore on a rien inventé. Lorsqu’un accident impacte les deux voies de circulation et que le personnel de secours doit travailler autour des véhicules, il n’y a pas d’autres solutions que de couper totalement la circulation. Dans ces situations les services partenaires mettront en place une déviation pour que les secours travaillent en sécurité, voire aussi que les moyens aériens se posent au plus près de l’accident.
Les particularités
Anticiper et être vu, s’adapter à la configuration avec les moyens dont vous disposez.
Pour conclure
Vous l’aurez compris, pour travailler sereinement et en sécurité sur la route, il faut travailler derrière un balisage, protégé derrière des véhicules. Il faut être visible, il faut de la communication, il faut des distances et surtout il faut de la prudence.
Il faudra aussi une formation (maquette, MSP terrain) et une prise de conscience. Ce premier S de sécurité fait partie de la marche générale des opérations que je vous partagerai dans un prochain article.
Les anciens m’ont toujours dit : « Ne subis pas, anticipe ». J’applique cet adage pour apporter le meilleur aux victimes que je rencontre sur la voirie.