Performance et bonnes pratiques chez les pompiers

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Qu’est-ce que la notion de bonnes pratiques relatives au droit souple ? Quelle application chez les pompiers et quelles performances ? 

Rescue18 a consacré un article aux normes, en soulignant que la majorité d’entre elles, on l’oublie trop souvent, sont d’application purement volontaire. Ceci est vrai qu’elles soient nationales (NF), européennes (CE) ou internationales (ISO).

Classifiables au répertoire du droit dit « souple » par opposition au droit « dur » (réglementaire et obligatoire), elles constituent notamment un recueil de bonnes pratiques. Cette notion est indissociable des démarches d’amélioration continue.

Mais que recouvre donc ce terme traduit en Anglais par « good practices » ? Des recommandations, des avis, des conseils, des modèles, des référentiels, des règles de l’art ? Un peu de tout ça ! On vous en dit plus.

Comment peut-on définir de  » bonnes pratiques  » ? 

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Thebestofall007, CC BY-SA 3.0 , via Wikimedia Commons

Selon Wikipédia, le terme « bonnes pratiques » désigne, dans un milieu professionnel donné, un ensemble de comportements qui font consensus. 

lls sont alors considérés comme indispensables par la plupart des professionnels du domaine et ils peuvent être compilés sous forme de guides de bonnes pratiques (GBP). Ces guides sont conçus par les filières métiers ou par les autorités ou par leur association conjointe. Ils peuvent se limiter aux obligations légales pour peu qu’elles existent, ou les dépasser.

Ils peuvent devenir opposables s’ils ont été communiqués publiquement. Utilisés dans le cadre d’une démarche qualité, ils matérialisent ainsi un engagement.

Citons également le regretté colonel Yvon Trépos, ancien chef de l’inspection de la DGSCGC : « Le terme de bonnes pratiques  ne s’entend pas au sens d’un référentiel qualité, établi dans un esprit de normalisation. Il s’agit plutôt de bonnes idées qui ont montré dans le SDIS où elles ont été mises en œuvre des résultats évalués et appréciés. Le terme de bonnes pratiques sera donc complémentaire à celui de bonnes idées lorsque les actions ont été mises en œuvre et les résultats obtenus sont probants. »

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Palais des Nations Unies Genève / Groov3, CC0, via Wikimedia Commons

De nombreuses institutions internationales et nationales ont défini ces notions et les ont adoptées. Quelques exemples :

L’Organisation des Nations Unies :

En droit international, une recommandation est une norme édictée par une organisation internationale. Elle ne comporte aucune obligation juridique directe pour les États qui en font partie. La branche de l’ONU pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) précise qu’une bonne pratique est une expérience réussie, testée et validée, au sens large, répétée, qui mérite d’être partagée afin qu’un plus grand nombre de personnes se l’approprient. 

 L’Union Européenne :

L’UE adopte des actes dénommés « Recommandations ». Contrairement aux règlements et directives, les recommandations ne sont pas contraignantes. Elles ont essentiellement une valeur politique en ce qu’elles permettent aux institutions européennes de faire connaître leur point de vue et de suggérer une ligne de conduite. Elles peuvent également éclairer la Cour de justice en lui permettant d’apprécier la portée d’un acte communautaire contraignant.

La Haute Autorité de Santé :

Elle considère les bonnes pratiques comme des propositions développées méthodiquement pour aider le praticien et le patient à rechercher les soins les plus appropriés dans des circonstances cliniques données. Elles s’inscrivent dans un objectif d’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins.

On retrouve donc ce point commun qui fait d’une bonne pratique une technique ou une méthode qui a été testée, évaluée par des données concrètes et vérifiables, et qui mérite d’être partagée. Cela peut être aussi un état des connaissances actuelles et de règles de l’art associées. Sans pour autant prétendre à être reproductible pour tous et dans tous les cas de figure, elle contribue à la volonté des organisations de s’améliorer et d’être performantes. Sans base réglementaire, elle ne constitue jamais une solution « clefs en main », mais, reconnue, elle peut devenir la « norme », voire même une  » norme  » !

Les différentes étapes de maturation d’une pratique selon la FAO :
  1. Une idée, une intuition que l’on expérimente.
  2. De premiers résultats positifs à un échelon réduit.
  3. Une confirmation à plus grande échelle, gage de reproductibilité.
  4. Une appropriation éventuelle  par le domaine réglementaire ou normatif.
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AnnychkaMelenchuk, CC BY-SA 4.0 , via Wikimedia Commons
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https://urlz.fr/hrd3

Une simple recommandation peut-elle engager une responsabilité ?

Le juge n’est généralement pas lié par des avis ou conseils qui ne seraient pas formulés par une autorité créatrice de droit. Cependant, on a pu observer, en l’absence de textes réglementaires, des recours au droit souple pour déterminer des responsabilités.

En matière de santé, le Conseil d’État a notamment acté en 2005 le fait qu’une recommandation de bonne pratique pouvait être opposable car assimilée aux données acquises de la science dont le médecin et les professionnels de santé doivent tenir compte dans leur pratique auprès des patients. En 2011, cet échelon suprême de la juridiction administrative a également jugé que les recommandations de bonnes pratiques professionnelles de la Haute autorité de santé (HAS) constituent, compte tenu de leur caractère obligatoire pour les professionnels de santé, des actes règlementaires dont l’illégalité peut être sanctionnée par le juge administratif.

En 2017, le Conseil d’État a par ailleurs statué de manière pouvant sembler étonnante au sujet des normes obligatoires. Il est ainsi rappelé qu’un décret de 2009 impose la consultation gratuite des normes rendues obligatoires sur le site de l’AFNOR. Constatant que des normes (NF EN) relatives à certains fluides frigorigènes et aux gaz à effet de serre fluorés obligatoire n’étaient consultables qu’à titre onéreux, il a purement et simplement annulé l’arrêté rendant obligatoire le respect de ces normes. l’État ne peut donc, par voie réglementaire, rendre obligatoire une norme dont la consultation est payante. 

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Conseil d’État / LPLT, CC BY-SA 3.0 , via Wikimedia Commons

Quand une recommandation devient obligatoire, l’exemple des services d’incendie et de secours.

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Perfusion / Arnaud Froissart, CC BY-SA 3.0 , via Wikimedia Commons

On peut citer, le cas des pharmacies à usage intérieur pour illustrer cette « bascule » du droit souple vers le droit dur.

L’ Arrêté du 10 mars 2014 relatif aux bonnes pratiques de pharmacie des services départementaux d’incendie et de secours de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris et du bataillon de marins-pompiers de Marseille précise dans son article premier que  » Les règles auxquelles doivent se conformer les pharmacies à usage intérieur des services départementaux d’incendie et de secours, les pharmacies de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) et du bataillon de marins-pompiers de Marseille (BMPM) sont énoncées dans le guide des bonnes pratiques de pharmacie des services départementaux d’incendie et de secours, de la BSPP et du BMPM, annexé au présent arrêté.« 

Un autre exemple récent dans le domaine plus large de la santé est illustré par Décret n° 2022-169 du 11 février 2022 relatif à la certification des prestataires de service et distributeurs de matériels. Il détermine les modalités de mise en place d’un référentiel de bonnes pratiques, dans le but de reconnaître les professionnels concernés, au travers d’une procédure de certification.  

Une autre illustration peut émaner de la charte nationale des sapeurs-pompiers volontaires, prévue et codifiée dans le Code de la Sécurité Intérieure (article L723-10) :

« Une charte nationale du sapeur-pompier volontaire, élaborée en concertation notamment avec les représentants de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, est approuvée par voie réglementaire.
Elle rappelle les valeurs du volontariat et détermine les droits et les devoirs des sapeurs-pompiers volontaires. Elle définit le rôle du réseau associatif des sapeurs-pompiers dans la promotion, la valorisation et la défense des intérêts des sapeurs-pompiers volontaires. Elle est signée par le sapeur-pompier volontaire lors de son premier engagement. »

Ainsi, des principes et des valeurs, traduits par une charte, prennent une dimension obligatoire. En manifestant son adhésion au texte, le sapeur-pompier s’engage dans tous les sens du terme !

Enfin, pour les fonctionnaires, rappelons que leurs obligations déontologiques ont été récemment confirmées par la Loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires  et par celle de  transformation de la fonction publique du 6 août 2019. Si la déontologie est considérée comme la science des devoirs professionnels, elle peut aussi être assimilée à un code de bonnes pratiques. Les obligations de dignité, d’impartialité, d’intégrité, de probité, de neutralité et de respect de la laïcité en constituent les piliers.

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Kevin.B, CC BY-SA 3.0 , via Wikimedia Commons
CIS
Binnette, CC BY-SA 3.0 , via Wikimedia Commons

Les services d’incendie et de secours  ont un usage régulier et répandu de normes diverses, notamment en matière d’élaboration de cahiers des charges et d’achats. Leur respect conditionne directement le choix des prestataires retenus.

Il est cependant un domaine moins connu où les bonnes pratiques sont omniprésentes. Il s’agit des démarches qualité, qualifiées aussi  » d’amélioration continue « . Elles sont d’ailleurs fortement encouragées par la Direction Générale de la Sécurité Civile et de la Gestion des Crises, au travers d’un référentiel dénommé « Pilotage de la performance globale ». Cette méthodologie s’appuie, entre autres, sur un document ressources dénommé « Bibliothèque des bonnes pratiques », issu d’un benchmarking (en Français : parangonnage) des SDIS.

Le principe global est bien établi : en fonction des enjeux du service, de ses impératifs ou de dysfonctionnements constatés, on décide de traiter un sujet particulier. On fait appel aux acteurs concernés pour concevoir une solution, puis on la teste afin de vérifier si elle produit les résultats escomptés, quitte à la corriger ou bien à la revoir complètement. Si tel est le cas, elle peut être qualifiée de « bonne pratique » et devient susceptible d’être reproduite, partagée.

Les Retours d’expériences, consécutifs ou pas à des événements indésirables, sont aussi des sources d’amélioration permanente.

Cette posture nécessite une ouverture d’esprit et un recours possible à l’innovation, sources de progrès.

Une démarche participative qui cible la réussite 

Les bonnes pratiques, ou toutes approches jugées comme telles, constituent en fait un carburant qui alimente le moteur de la performance. Sans viser la perfection, mais a minima le chemin vers l’excellence, elles participent à l’atteinte d’objectifs.

L’adhésion des agents mettant ces pratiques en œuvre sera renforcée en impliquant réellement ces derniers pour les concevoir et les évaluer. Pour autant, aussi vertueuses soient-elles, elles ne doivent pas être considérées comme reproductibles de manière systématique. Leur adéquation avec les contraintes des organisations et avec les dimensions humaines est primordiale. Par contre, si elles sont adoptées, elles devront être régulièrement évaluées pour leur conférer un caractère durable avec, si besoin, un aspect évolutif, justement pour demeurer adaptées aux situations. 

Les compétences de tous devront être mobilisées à tout instant !

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Unknown authorUnknown author, CC0, via Wikimedia Commons

Conclusion

Vous l’aurez compris, une bonne pratique, quel que soit le domaine concerné, ne se limite pas au fait pour une pratique d’être…bonne !

C’est, avant tout et surtout, une pratique qui a fait ses preuves. Tout simplement, elle a été testée, analysée et elle a permis d’obtenir de bons résultats par rapport à ceux espérés.

Une fois seulement ces étapes franchies, elle pourra devenir un modèle, une référence, au point même, parfois, de devenir réglementaire. Elle aura aussi vocation, le cas échéant, à être partagée.

Ces démarches ont donc pour vocation d’éclairer les professionnels dans leurs actions et les institutions dans leur organisation. Elles formalisent des repères pour alimenter une évaluation interne et pour juger de la nécessité de voir évoluer les pratiques en place.

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 » Mesurer, c’est savoir. »
 » Si vous ne pouvez pas le mesurer, vous ne pouvez pas l’améliorer. »

William THOMSON, Lord KELVIN (1824–1907)

Image d’illustration du titre de l’article : boost’rh

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