Les robots terrestres chez les sapeurs-pompiers – Partie 1

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Introduction

Le monde numérique et informatique connaît une évolution exponentielle. Ce qui nous intéresse aujourd’hui concerne celui de la robotique qui offre chaque jour des innovations multi domaines : industrie, agriculture mais aussi au service de la médecine. De nombreuses startups travaillent ainsi dans ce sens. Cependant on parle moins de ces robots qui peuvent aider ces corps de métiers particuliers auxquels on aurait moins pensé : les sapeurs-pompiers.

De l’extinction d’incendies industriels au traitement d’explosions et de leurs suites, la lutte contre le feu est, par définition, l’un des métiers les plus dangereux au monde. Ainsi, ces avancées technologiques offrent un appui et une alternative afin d’aider les soldats du feu et limitant ainsi la prise de risques pour les personnels.

C’est en avril 2019 qu’un drôle d’individu robotisé a fait parler de lui dans le monde entier. Son nom ? « Colossus ». C’est lui qui est entré à l’intérieur de la cathédrale pour lutter contre l’incendie qui dévorait Notre-Dame de Paris. Cet événement a mis en avant les atouts qu’offrent la combinaison de toutes ces nouvelles technologies (caméra thermique, drones, etc.), et nous allons voir dans cet article que leur utilisation peut s’avérer complémentaire pour de très nombreuses missions.

Historique mondial

Le premier démarrage des robots terrestres commence dans les années 1990 lors de la Guerre du Golfe. « iRobot », le découvreur, était spécialisé notamment dans le déminage ainsi que l’anti-terrorisme. Avec le « Packbot », ils ont ainsi vendu des centaines de robots à l’armée américaine. Suite à son utilisation, ils ont essayé de recycler leurs machines pour le monde civil. L’entreprise « Qinetiq » avait également une machine qui ressemblait à celles « d’iRobot ».

Dans l’histoire des robots, les Français et les Européens ont été les premiers à constituer une unité spéciale : le GIE INTRA (Groupement d’Intérêts Économiques – INTervention Robotique sur Accidents) créé en 1988 par EDF, le CEA et la COGEMA (aujourd’hui devenu ORANO). Le but étant d’envoyer des engins mécaniques télécommandés en zones contaminées en cas d’accident nucléaire. Ils possèdent une grande gamme de robots (petits, moyens, grands), et également des grands camions de carrière robotisés en exemplaire unique. C’est à partir de là que ça démarre. Par la suite les Américains et les Allemands vont plus ou moins faire la même chose. En France, nous n’avions quasiment pas d’entreprises spécialisées dans la robotique avant les années 2000.

Source : GROUPE-INTRA : « ERASE » est mis en oeuvre à l’extérieur d’installations dès lors que l’ambiance radiologique devient hostile pour l’homme. Il permet des évolutions en téléopération jusqu’à des distances de quelques kilomètres (3 km et plus selon terrain) permettant de mettre en sécurité le personnel affecté au pilotage.

Par la suite, les Allemands lancent « TELEROB », qui existe toujours. Ces robots s’avèreront très sophistiqués mais un peu lourds et compliqués par le fait qu’il y avait moins de hautes technologies qu’actuellement.

En France, des projets voient le jour en 2002, lors du premier congrès national des sapeurs-pompiers de France à Martigues. Ils créent une séquence « l’apport de la robotique au risque NRBC » mais il fut difficile de trouver des conférenciers afin d’intervenir sur ce projet. Les sapeurs-pompiers se rapprochent d’une entreprise française qui s’appelle « Cybernetix » (située à Marseille), qui s’est développée notamment avec la création de la carte à puce et a une petite gamme de robots conçus pour le déminage.

En 2004, le SDIS 13 décide de lancer un projet collaboratif avec « Cybernetix ». 2 ans plus tard cette entreprise sera absorbée par ECA, un très grand nom de la robotique sous-marine. Ensemble de 2004 à 2011, le SDIS 13 et ECA développent le « Cameleon » (robot de 35 Kg, extrêmement polyvalent, qui peut transporter des sondes radioactives, chimiques, faire des prélèvements, et qui résiste aux radiations). Grâce à la vente de quelques centaines d’exemplaires, ECA va développer par la suite sa gamme avec « l’Iguana ». C’est ainsi que l’on voit apparaître l’émergence de nombreuses entreprises de robotique dans le monde (Tecdron, Shark Robotics, PIAP, Nexter, …).

Robot SPOT – BOSTON DYNAMICS : capable de marcher à près de 5km/h, le robot « SPOT » a une autonomie de 90 minutes. Il bénéficie d’une batterie amovible, peut se déplacer sur des terrains accidentés et porter jusqu’à 14 kg de charge. Il fonctionne à des températures allant de -20 à 45°. Il résistera donc aux poussières et aux projections d’eau.

C’est principalement la tranche moyenne de robot qui va se développer (environ 35kg) et beaucoup de petits (Exemple : entreprise Nexter qui a vendu beaucoup de « Nerva » : robot léger qu’on peut mettre sur un char, un véhicule de reconnaissance, et fournir de l’imagerie). Les robots « lourds » arriveront plus tard avec la gamme de « Tecdron », qui va collaborer avec la BSPP sur l’extinction d’incendie avec de l’eau.

Une agence américaine responsable des projets en recherche avancée pour la défense, lance des concours d’innovation à partir de 2010 pour financer du robot bipède, dont le « DARPA CONTEST ». Le robot bipède servant jusqu’à présent à parler et était un robot consacré au social, ne savait pas faire d’actions ou de techniques particulières. Les épreuves et financements font émerger des robots, et on voit apparaître Schaft (JPN) et Boston Dynamics (US) qui a conçu « Atlas » le bipède véloce et le quadrupède « Spot » qui est commercialisé.

En 2007, une équipe de scientifiques travaillait sur deux projets afin de développer un groupe autonome de robots « canaris ». Leur but de fabrication était de réduire les dangers et augmenter la vitesse des recherches sur les lieux d’intervention.

Tous deux baptisés respectivement « Guardians » et « Viewfinders », ils appuieront la recherche de victimes et les secours en assurant une communication et en aidant l’équipe humaine à évaluer la sûreté de la voie à emprunter ainsi que la meilleure direction à prendre.

Ces robots ne mesureront que 16 cm de diamètre, et seront équipés de communications mobiles (réseau local sans fil, Bluetooth), de caméras infrarouges, de radars laser, et de deux types de capteurs qui vont permettre de détecter des substances chimiques, toxiques, les flammes et améliorer la navigation en détectant les obstacles rencontrés en chemin.

En 2015, la marine américaine a testé un prototype de robot-pompier bipède, qui serait capable de se déplacer, d’ouvrir des portes, de voir à travers la fumée et de tenir une lance haute pression pour éteindre un incendie.

L’objectif de ce prototype serait de le déployer sur des navires de guerre pour assister les marins, mais celui-ci est encore en phase de développement. Bien qu’il soit question de le rendre plus autonome, ce robot travaillera toujours en binôme avec un humain.

Du point de vue des caractéristiques, il ferait une hauteur d’environ 1,77 m pour 213 kg. Il serait également doté de 33° de liberté lui permettant ainsi de marcher, plier les jambes, tourner la tête et évidemment tenir une lance à incendie.

Le 04 janvier dernier, le Los Angeles Fire Département (LAFD – Département des pompiers de Los Angeles) a dévoilé un nouveau robot de lutte contre les incendie le « Thermite RS3 ».

Ce robot-pompier est conçu par Howe & Hows Inc., une filiale du groupe aéronautique Textron Systems. Il est contrôlé à distance grâce à un retour vidéo en haute définition. Equipé d’un moteur diesel, de chenilles et d’une lance à eau, il peut projeter de l’eau ou de la mousse à une centaine de mètres et près de 45 mètres de haut. Sa lame en acier qui est disposée à l’avant lui permet d’emprunter des chemins difficiles.

Son utilisation sera particulièrement adaptée pour les feux d’entrepôts, locaux commerciaux, mais aussi pour les interventions souterraines comme par exemple les tunnels. La Californie connaît chaque année de grands incendies, ainsi le « Thermite RS3 » servira pour protéger les habitations, qui dans cette région, utilisent traditionnellement du bois pour leurs charpentes.

Zoom en France

Brigade de sapeurs-pompiers de Paris

En 2015 le « Colossus » apparaît, mais sa fonction unique d’utilisation d’une lance à eau n’est pas convaincante. Cependant la BSPP a trouvé une application, qui est de l’utiliser en cas d’attaque terroriste pour éteindre un véhicule en feu et ainsi éviter d’engager du personnel.

Le grand incendie de Notre-Dame à Paris marque l’Histoire de France le 15 avril 2019. Ce tragique événement a mis cependant en lumière l’utilisation de nouvelles technologies au sein des sapeurs-pompiers :

  • La mise en œuvre d’un drone qui a survolé la cathédrale afin d’avoir une vision d’ensemble de l’intervention et notamment des risques de propagations,
  • Et surtout l’utilisation du « Colossus ».

Conçu par l’entreprise Shark Robotics, et baptisé « Rex » par la BSPP pour « robot d’extinction », le premier a été livré début 2017 au profit du GELD (Groupe d’Exploration Longue durée). Ce sont eux qui en ont fait la première acquisition et qui l’ont utilisé pour diverses interventions :

  • En 2018 lors d’un feu de parking géant (200 voitures) à Choisy-le-Roi. Après huit heures d’intervention par 600 degrés aux côtés de 120 pompiers, il restait au robot encore 30 % de batterie.
  • Le 12 juin 2018 lors d’une prise d’otages à Paris, il a permis d’éteindre un véhicule en feu permettant aux pompiers de ne pas risquer leur vie.
  • Le 26 janvier 2019, il avait également été déployé sur un violent incendie d’entrepôt de 4500 m2 à Clamart, qui comprenait un garage automobile.

Aujourd’hui la BSPP possède :

  • 1 « Colossus »  « Rex » pour « Robot d’Extinction »,
  • 3 « Prom » pour « Robot Plateforme Multifonctions ».

https://www.youtube.com/watch?v=JLRc_jBiZeYhttps://rescue18.fr/wp-content/uploads/2021/01/Enregistrement-de-lecran-2021-01-04-a-16.48.31.mov
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« Colossus » n’est pas le premier robot de la BSPP, il y a eu un précédent dans les années 70 …
PAR ICI 

Bataillon de Marins-Pompiers de Marseille

Dans le sud de la France, le BMPM (Bataillon de Marins-Pompiers de Marseille) possède lui aussi ses propres robots : ils s’appellent « Marius » (Module d’appui Robotisé Intégré à l’Univers des Secours) et « Cesar » (en référence au célèbre écrivain Marcel Pagnol), pèsent 500 kilos, évoluent à 3,8 kilomètres/heure disposent de lances pouvant débiter 3.000 litres d’eau par minute.

Actuellement, ces deux robots également de type « Colossus » ont deux missions : éteindre les incendies dans des entrepôts qui risqueraient de s’effondrer ou sur des sites industriels, mais aussi désinfection des lieux ou la Covid-19 aura circulé (environ 20 000 m2 en 3 h).

Ces robots vont ensuite devenir de plus en plus polyvalents. Grâce à l’option « narguilé », ils pourront fournir de l’air respirable aux marins-pompiers lors d’interventions sur des incendies. La « capacité mule » les aidera à transporter des charges lourdes sur des lieux d’intervention inaccessibles. Grâce aux chenilles, ils passent partout, des terrains inondés aux pentes de 40 degrés. Il sera également possible d’installer un brancard sur les robots pour évacuer un blessé, ou assurer le désenfumage après un sinistre grâce à leurs capacités de ventilation.

Exemple d’utilisation lors d’un feu de 16 poids-lourds dans le 16ème arrondissement de Marseille. « Cesar » a eu un rôle déterminant dans l’extinction de l’incendie et notamment la protection globale du sinistre. Il a effectué des opérations de refroidissement, et d’extinction de locaux contenant plusieurs bouteilles d’acétylène.

Service Départemental d’Incendie et de Secours des Bouches-du-Rhône

Le SDIS 13 possédant un « Cameleon » a également fait le choix stratégique de se doter de 2 « Colossus ».

Implantés judicieusement dans des centres de secours, notamment près des sites dits  classés SEVESO, ils ont donc la particularité de pouvoir être engagés dans des conditions souvent extrêmes, de manière rapide et limitant ainsi l’engagement des sapeurs-pompiers afin de gagner en sécurité. 

Cette gamme terrestre vient s’ajouter à une flotte d’une douzaine de drones, de tous types, détenue par le SDIS 13.

Les caractéristiques techniques du « Colossus » seront détaillées dans la partie n°2 de cet article.

L’Histoire des soldats du feu est déjà bien étoffée, mais il est à parier que le temps fera certainement une petite place pour ces robots précurseurs d’une nouvelle génération de moyens d’intervention. Mais attention, comme dans les conflits armés, c’est encore et toujours l’Homme qui doit prendre les bonnes décisions au bon moment.

La deuxième partie de cet article consacré aux robots terrestres chez les sapeurs-pompiers fera un zoom sur le Service Départemental d’Incendie et de Secours des Bouches-du-Rhône et l’on rentrera dans les détails techniques de ces fameux robots.


Remerciements

Sources
  • Lieutenant-Colonel MONET, SDIS 13
  • Commandant RODRIGUEZ, SDIS 13
  • Adjudant-Chef HIRSCH, SDIS 13
  • Robotpompier
  • Clubic
  • Shark-robotics
  • Ecagroup
  • Bostondynamics
  • Groupe-intra
  • Capital
  • Youtube
  • SDIS 13
  • SIDO Lyon / Shark (illustration)

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