Comment intervenir lors des feux d’habitations ? Que ce soit un feu d’appartement, d’une maison individuelle ou bien encore d’un immeuble, il existe plusieurs situations possibles auxquelles les sapeurs-pompiers peuvent être confrontés. Rescue 18 explique…
NDLR : il s’agit d’un article synthèse.
Il ne se substitue pas aux GDO / GTO ou au RO de votre SIS.
Cadre général de l’intervention
Ces types d’incendies sont parmi les plus courants et nécessitent connaissances et maîtrise car ils ne cessent d’évoluer, notamment en raison des nouveaux modes de construction et d’isolation.
Si les règles de prévention ont favorisé la survie des habitants, certaines dérives de sûreté sont aussi des freins à l’intervention des secours. L’apparition de nouveaux matériaux ou de nouvelles technologies, comme les plastiques ou les batteries, rendent les interventions toujours plus techniques, favorisant la survenue de phénomènes ou d’emballement thermiques.
Tout d’abord, nous pouvons revoir les étapes communes à chaque intervention par le biais de nos précédents articles :
Se rendre puis savoir se placer sur intervention
Savoir observer et reconnaitre les lieux
Savoir détecter un risque
Savoir décider et commander
Feu situé dans un immeuble d’habitation
Généralités
– rechercher la présence des fluides (gaz, électricité, etc),
– prendre en compte le risque de propagation vers les autres pièces de l’appartement, les appartements voisins, les couloirs et les escaliers si la porte de l’appartement sinistré est restée ouverte ou n’a pas résisté,
– prendre en compte risque de propagation verticale vers les étages par les escaliers, gaines, courettes, façades, balcons,
– dans les immeubles anciens, les appartements communiquent généralement directement sur l’escalier. Il constitue alors une voie de passage pour les gaz chauds et les fumées vers les étages supérieurs avec un risque d’accumulation,
– considérer le risque pour les personnes de ne pas pouvoir évacuer l’appartement, et donc la tentation de se réfugier sur les toits, balcons et corniches, voire de se jeter dans le vide,
– rechercher toutes ces informations lors des premières reconnaissances,
– garder à l’esprit le risque d’accident thermique,
– mener les opérations d’attaque avec le souci de maintenir le feu dans son volume initial par une action coordonnée des lances et en coupant les propagations,
– n’engager que le personnel strictement nécessaire à l’attaque et disposant d’un moyen hydraulique permettant de délivrer au minimum un débit de 500 L/min,
– prévoir un itinéraire de repli et de secours (si possible),
– établir dans la cage d’escalier si possible et à N-1,
– éviter le risque d’exposition à un phénomène thermique en limitant le nombre de SP dans la circulation horizontale,
– créer des sortants et mettre en œuvre la ventilation opérationnelle,
– faire attention à l’ouverture des portes afin de ne pas créer des modifications aérauliques,
– lors de la reconnaissance, refermer les portes ou mettre en place un rideau « stop fumées ».
Feu naissant ou dans un petit volume/local ou une seule pièce
Il s’agit d’espaces étroits ne comprenant qu’une seule pièce (chambre de bonne, débarras, etc.) et ne possédant qu’un seul accès, avec ou sans ouverture sur l’extérieur (fenêtre, lucarne, etc.). Ils sont souvent situés aux niveaux supérieurs des immeubles d’habitation classiques. Ils sont desservis par un ou plusieurs escaliers de service. Les cheminements sont fréquemment étroits, complexes et très longs. On peut avoir un grand nombre de locaux de ce genre sur un même niveau.
– dès l’arrivée sur les lieux, prise de renseignements, recherche de plans et identifier le bon escalier (de service, le plus souvent) qui mène au niveau sinistré,
– installations souvent vétustes, présence de systèmes précaires pour l’éclairage et le chauffage,
– potentiel calorifique souvent disproportionné par rapport au volume,
– risque d’apparition d’un phénomène thermique,
– risque de propagation à l’ensemble du niveau, aux combles ou à la toiture (NDLR : les feux de combles et toitures seront traités dans un prochain article),
– reconnaissances et attaque rendues difficiles en raison de l’accumulation des fumées et de l’augmentation de la température,
– une fois l’attaque commencée, reconnaissances dans l’ensemble du niveau, les combles, la toiture, les puits de lumière, les courettes,
– extinction menée par l’intérieur en utilisant le volume d’eau strictement nécessaire (utiliser la colonne sèche si disponible),
– reconnaissance de l’ensemble des locaux ou volumes adjacents, puis de la totalité de l’immeuble.
Feu développé à plusieurs pièces
En cas de menace d’extension du sinistre à d’autres pièces ou aux étages, l’attaque est réalisée en 3 temps, suivi de 2 étapes (à minima), de préférence par l’intérieur et dans le sens du tirage :
1/ isoler le foyer principal dans son volume initial,
2/ lutter contre les propagations dans toutes les directions autour du volume initial,
3/ compléter le dispositif à l’intérieur de l’appartement, afin de faciliter la pénétration et d’achever l’extinction,
4/ assurer la ventilation avec la présence d’un entrant (partie basse), du sortant (proximité immédiate du sinistre), d’un sortant (cage d’escalier),
5/ mener l’ensemble des reconnaissances.
Dessins : Drakkar
Pour mener les reconnaissances, il est judicieux de :
– reconnaitre le niveau et le local sinistré dans un premier temps,
– reconnaitre l’appartement (ou le niveau) situé directement au-dessus du feu de manière concomitante,
– engager les reconnaissances dans l’ensemble du bâtiment, en partant du dernier étage vers le RDC.
IMPORTANT : si un ascenseur n’a pas pu être reconnu ou ramené au niveau d’accès des secours, il devient une mission prioritaire car il doit être considéré comme renfermant potentiellement des victimes.
L’attaque et/ou la protection de façade
– si le feu menace de se propager aux étages supérieurs par la façade, que les moyens hydrauliques établis par les communications existantes ne sont pas encore efficaces,- si une attaque d’atténuation est impossible (hauteur),
– si le feu se propage à la façade en raison des ITE (Isolants Thermiques par l’Extérieur) ou dû à un stockage calorifique important sur les balcons,
– après analyse et sur ordre du COS, une lance par l’extérieur, de plain-pied ou sur MEA peut être établie pour enrayer la propagation et refroidir les gaz chauds.
source : protection de façade (BSPP)
Chema Bomberos Reg. Murcia – image X (ex Twitter)
L’attaque d’atténuation
Appelée également « attaque de transition », il s’agit d’une attaque en jet bâton, limitée dans le temps (de l’ordre de 10 à 15 secondes pour des volumes courants), menée de l’extérieur et destinée à réduire grandement la puissance du feu.
Elle est renouvelable et s’achève dès que l’attaque par l’intérieur est rendue possible.
Elle nécessite, de la part du COS et des chefs d’agrès, une coordination intérieur/extérieur rigoureuse.
source : attaque d’atténuation / SDIS 33 – Stef Dumas
Feu d’immeuble
En raison de multiples facteurs, un incendie peut se propager à l’ensemble de l’immeuble :
– propagation par les façades,
– inflammation des ITE et/ou surcharge des balcons,
– plusieurs étages situés au-dessus du sinistre et/ou nombreuses cages d’escaliers avec envahissement par les fumées,
– propagation par un escalier en bois,
– hyper ventilation des lieux,
– etc…
Le COS fera donc face à un sinistre de forte intensité où les reconnaissances peuvent s’avérer nombreuses, longues et pénibles.
De plus, la présence de nombreux habitants nécessitera :
– des sauvetage(s) et/ou mise(s) en sécurité,
– des reconnaissances dans l’ensemble des locaux pour y découvrir d’éventuelles victimes,
– de prendre en charge l’ensemble des impliqués.
Ainsi, le COS ne doit pas hésiter à demander des moyens conséquents – un ou plusieurs groupe(s) incendie / groupe(s) SAP/PRV / etc… – afin de mener massivement et en même temps les missions de reconnaissances, d’extinction et de prise en charge des victimes.
Crédit photo : Le Parisien / BCOM-BSPP
Retex / Pex
Feu situé dans un pavillon
La méthodologie d’intervention et les conduites à tenir pour un feu en pavillon d’habitation sont sensiblement les mêmes que celles exposées supra. Le COS et les intervenants devront néanmoins faire attention aux points suivants :
– présence de bouteille de gaz pour les habitations non alimentées en gaz de ville,
– pavillons en bande ou jumelés (1ère ou 2ème famille) offrant un risque potentiel de propagation,
– garder à l’esprit la présence possible de combles qui peuvent être aménagés ou servir de lieu de stockage,
– il est courant que le feu parte du garage qui est accolé au pavillon. Il renferme très souvent des produits (peinture, aérosol, essence) et un ou plusieurs véhicules,
– attention à la DECI qui peut être insuffisante en milieu rural.
Retex / Pex
Bien que cet article traite des feux d’habitations, ces informations et conduites à tenir sont également utiles lors d’une intervention dans un immeuble à usage de bureaux, ERP, etc…
Il existe bien entendu des particularités comme les établissements à usage sanitaire, scolaire, etc… Gardons à l’esprit que :
– cela reste un tronc commun,
– il s’agit de sites où les déplacements horizontaux ou vers des EAS (espaces d’attente sécurisés) vont primer au lieu d’un déplacement vertical,
– Rescue 18 traitera ces sujets dans un prochain article.
Sources : GTO/GDO – BSP/BSPP – SDIS 14 – PNRS/RETEX – Le Parisien – BCOM/BSPP – SDIS 33 – X (Twitter) – Drakkar