Lors des commémorations du 11 novembre, de nombreux sapeurs-pompiers rendent hommage aux combattants tombés pendant la Première Guerre mondiale, parmi lesquels figuraient des pompiers. Ils ont joué un rôle essentiel durant le conflit, aussi bien sur le front qu’à l’arrière. Revenons sur leur engagement…
La désorganisation des compagnies de sapeurs-pompiers
À la veille de la Première Guerre mondiale, le ministre de l’Intérieur clarifie la situation : en cas de mobilisation générale, la plupart des pompiers en âge de combattre doivent rejoindre l’armée. Seules quelques compagnies dans les grandes villes ou proches du front sont maintenues. Au début d’aout 1914, les compagnies de sapeurs-pompiers de France perdent près deux tiers de leur effectif. Ne restent dans les casernes que les hommes trop âgés (plus de 40 ans), trop jeunes (entre 18 et 20 ans) ou réformés. Pour ne pas améliorer la situation, l’armée réquisitionne les tenues et les casques, en promettant un remboursement ou en proposant une somme dérisoire…

À partir de la fin d’année 1914, les communes se retrouvent avec quelques pompiers, alors que les incendies, eux, n’ont pas disparu. Les pompes à bras, engins les plus répandus, nécessitent une main-d’œuvre importante et une instruction à son exercice. Pendant les années de guerre, les municipalités doivent donc improviser.
Les femmes, les enfants, les vieillards, les soldats territoriaux et les hommes affectés au service civil (ouvriers, infirmiers…) sont réquisitionnés par les maires pour actionner la pompe et pour participer à la chaine de seaux d’eau. Face à cette pénurie d’effectifs, le 18 janvier 1918, le gouvernement abaisse temporairement l’âge d’adhésion de 18 à 16 ans. Malgré cela, les volontaires sont difficiles à recruter.

Malgré l’éloignement, la solidarité de la population envers ses sapeurs-pompiers mobilisés se poursuit. Les municipalités et les sociétés de membres honoraires (ancêtres des amicales) leur envoient des colis de nourriture et de vêtements. Lorsqu’un pompier tombe au combat, la commune et certaines unions départementale lui rendent hommage en fournissant des couronnes mortuaires. En cas de besoin, elles viennent aussi en aide aux veuves et aux orphelins.
Le régiment de sapeurs-pompiers de Paris dans la guerre
Si la guerre a désorganisé la grande majorité des compagnies, certaines unités ont été maintenues, voire renforcées. Pendant la Première Guerre mondiale, l’unité ayant joué l’un des rôles les plus connus est probablement le régiment des sapeurs-pompiers de Paris. Sa mission principale est la protection de la capitale, régulièrement touchée par les bombardements allemands. Ces attaques provoquent des incendies, des effondrements et ensevelissent de nombreuses victimes sous les décombres. En cas de bombardement imminent, le personnel de chaque caserne doit se tenir paré à intervenir. À partir de 1915, certains pompiers parcourent les rues en klaxonnant et en jouant du clairon pour que les habitants puissent se réfugier dans les abris d’urgence.

En tant qu’unité militaire, le régiment des sapeurs-pompiers de Paris participe activement à l’effort de guerre. Des hommes sont dépêchés sur le front ou à l’arrière pour se battre, exercer des missions de renseignements, d’observation, de transports, de protection, d’instruction ou de surveillance de prisonniers. Aussi, à partir de 1915, une centaine de sapeurs-pompiers de Paris rejoignent les « compagnies Z », chargées de se battre avec des lance-flammes… Ironie de la guerre pour des hommes habitués à combattre le feu.

Des interventions sous les bombes
Les missions de secours du régiment des sapeurs-pompiers de Paris ne s’arrêtent pas aux frontières de la capitale. Dès aout 1914, une autopompe armée est envoyée à Versailles. À partir de mars 1915, une trentaine d’hommes et deux véhicules rejoignent les pompiers de Reims, submergés par les incendies dus aux bombardements.
Cette expérience se reproduit, avec des détachements plus ou moins importants, dans d’autres villes du front : Compiègne, Verdun, Épernay, Soissons, Bar-le-Duc, Dunkerque, Châlons-sur-Marne, Amiens et Abbeville… Mais la plupart des incendies provoqués par les bombardements allemands sont combattus par les compagnies locales, souvent aidées par des civils.

Un sinistre bilan pour les compagnies de sapeurs-pompiers
À l’heure où les clairons et les cloches sonnent l’Armistice, le 11 novembre 1918, le bilan du conflit doit être dressé. Pour les compagnies des sapeurs-pompiers, c’est la désorganisation. Environ 10 à 15 % des hommes dans la force de l’âge sont morts au combat. D’autres reviennent mutilés, incapables de reprendre du service. Certains, après avoir connu l’horreur des tranchées, ne veulent plus combattre les incendies. Dans les années suivantes, les compagnies peinent à retrouver leur effectif d’avant-guerre. En 1919, la majorité du personnel manque d’instruction et se trouve sans uniforme ni casque, en raison de la réquisition militaire. Les municipalités se reconstruisent et l’urgence est rarement au financement des services de lutte contre l’incendie. De nombreuses compagnies de sapeurs-pompiers ne retrouvent une existence qu’en 1923, voire plus tard. Autre problème : les effectifs sont instables et se renouvellent très rapidement, ce qui oblige parfois des hommes peu expérimentés à accéder à des postes de commandement.

Vers une modernisation de l’activité
Malgré ces difficultés, la guerre marque un tournant dans l’histoire des sapeurs-pompiers en France, généralisant des évolutions s’opérant dans les grandes villes depuis le début du XXe siècle. Les vieilles pompes à bras, lourdes et exigeant de nombreux manœuvrants, sont remplacés progressivement par des motopompes et parfois par des autopompes, selon les finances des municipalités. Dans les grandes casernes, des permanences en caserne se mettent en place. Elles permettent de faire face à l’augmentation du nombre d’interventions, provoquée par l’accroissement des missions du pompier, avec l’apparition du secours d’urgence aux personnes (en cas d’asphyxie, noyade, électrisation, arrêt cardiaque…).
Le décret ministériel du 13 aout 1925 apporte des changements faisant écho au conflit mondial : le désarmement des sapeurs-pompiers et la création des services de santé. L’âge minimum d’engagement est officiellement abaissé à 16 ans. La dernière évolution d’importance de cette période est la fondation de l’Œuvre des Pupilles des sapeurs-pompiers le 27 mars 1926 par le Commandant Guesnet, président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers français, pour assurer le soutien moral et matériel des orphelins mineurs des pompiers morts en service. Cette initiative s’inspire de l’Office national des pupilles de la Nation, créé pour les enfants de poilus morts pendant le conflit.

Rendre hommage à ses morts
Pour honorer les pompiers morts pendant la Grande Guerre, la Fédération nationale des sapeurs-pompiers français publie un livre d’Or en 1924 recensant leurs noms. Mais la liste est incomplète. À l’occasion du centenaire du conflit, Aurore Bertolo, le Commandant Freidig et le Capitaine Bertolo ont enrichi le corpus, en y ajoutant de nouveaux renseignements civils et militaires, le tout publié au sein de l’ouvrage Pompiers oubliés de la Grande Guerre, Sauvons la mémoire de ceux qui périrent et disponible en ligne.
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Conclusion…
Les sapeurs-pompiers ont joué un rôle important pendant la Première Guerre mondiale, bien au-delà de leurs missions habituelles. Face aux bombardements et aux incendies, ils ont assuré la sécurité de la population, bravant leur désorganisation. Malgré des pertes considérables, l’après-guerre marque une période décisive pour la redéfinition du métier de pompier en France.
Sources et crédits :
Article publié par Rescue18 en collaboration et rédigé par Terry OZANNE Doctorant en histoire contemporaine / Nom de la thèse : Du Feu à la Fête. Être sapeur-pompier dans la Seine-et-Oise et le Val-d’Oise de 1870 à 2002.
Laboratoire : UMR Héritages 9022 : Culture/s, Patrimoine/s, Création/s (CY Cergy Paris Université – CNRS – Ministère de la Culture)







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