En France, le Secours d’Urgence Aux Personnes (SUAP) est au coeur du quotidien des sapeurs-pompiers : il représente 80% de leur activité opérationnelle. Soldats du feu, ils sont aussi aujourd’hui des « soldats de la vie », pour reprendre les termes du Colonel Allione, président de la Fédération Nationale des Sapeurs-Pompiers de France. (1)
Lorsqu’un sauvetage est réalisé, les compétences en secourisme des sapeurs-pompiers leur permettent de poursuivre leur mission auprès de la victime, avec la même logique opérationnelle, pour effectuer les premiers gestes, prodiguer les premiers soins.
La formation initiale « secours à personne » (SAP) est une étape essentielle dans le parcours d’un sapeur-pompier et dans celui de tout secouriste participant à des missions de secours d’urgence. La formation continue est tout aussi importante pour le maintien d’une aptitude opérationnelle, car les techniques et le matériel de secours évoluent constamment.
Quelles sont ces missions SUAP ? Quel est le matériel dédié ? Comment se déroule une intervention SUAP ? Eléments de réponse dans ce nouvel article RESCUE18, premier maillon d’une série d’articles spécifiques SUAP.
Le SUAP : derrière les chiffres…
Le SUAP représente plus de 4 millions d’interventions par an chez les sapeurs-pompiers. Cette activité ne cesse d’augmenter, avec une hausse de plus de 40% en 10 ans. (2)
Derrière cet acronyme et ces chiffres, se cachent de multiples interventions, de multiples situations auxquelles chaque équipage doit faire face avec beaucoup d’adaptabilité et d’humanité. Malaise, convulsions, coma, accident de la circulation, chute, noyade, tentative de suicide, plaie par arme blanche ou arme à feu, hémorragie, brûlure, accouchement inopiné, détresse respiratoire, douleur aigüe, douleur évoquant un infarctus du myocarde, arrêt cardiaque, urgence neurologique ou encore toute situation multi-victime : les sapeurs-pompiers sont sur l’ensemble du territoire, avec plus de 6000 centres de secours, les premiers intervenants dans toutes ces situations de détresse.
Le cadre juridique du SUAP
Le SUAP est une mission de sécurité civile, du ressort du ministère de l’Intérieur. L’aide médicale urgente (AMU) relève, quant à elle, de la compétence du ministère de la Santé. L’organisation des secours pré-hospitaliers en France repose donc sur une collaboration entre ces deux principaux acteurs que sont, les sapeurs-pompiers et l’hôpital, représenté par les SAMU. Leur coopération permet de proposer la meilleure réponse opérationnelle à la victime en cas de détresse, avec notamment le respect de l’objectif fixé par le Président Hollande, d’accès aux soins urgents en moins de 30 minutes en tout point du territoire.
Les textes de loi qui encadrent le SUAP et les relations entre ces différents acteurs sont la Circulaire Interministérielle du 5 juin 2015 qui détaille les modalités d’application de l’arrêté du 24 avril 2009 relatif à la mise en œuvre du référentiel portant sur l’organisation du secours à personne et de l’aide médicale urgente.
Les associations agréées sécurité civile (AASC)
Les associations agréées de sécurité civile sont reconnues par l’État pour assurer des missions de sécurité civile. Dans certains secteurs, les équipes bénévoles de ces associations participent aux missions SUAP au même titre que les sapeurs-pompiers.
Ainsi, au sein de la BSPP, des équipages de la Protection Civile , de la Croix-Rouge, Ordre de Malte et Fédération Française de Sauvetage et de Secourisme, rejoignent régulièrement certains centres de secours lors de période de forte sollicitation opérationnelle pour renforcer les sapeurs-pompiers. D’autres associations participent également à des « gardes SAMU » dans différentes villes de France.
Formation SUAP des sapeurs-pompiers
Les missions SUAP requièrent une formation rigoureuse.
Chaque autorité d’emploi dispose de cellules de formation qui conçoivent et animent un programme de formation. Il est basé d’une part sur les textes réglementaires qui régissent leurs professions ou leurs activités et d’autre part sur les recommandations de la Direction Générale de la Sécurité Civile et de la Gestion des Crises.
Ce cursus débute par une formation initiale obligatoire avant de pouvoir intégrer l’équipage d’un véhicule de secours. Il se poursuit tout au long du parcours d’un sapeur-pompier ou d’un secouriste, avec une formation continue indispensable au maintien de l’aptitude opérationnelle. Cet enseignement s’effectue en présentiel pour pouvoir réaliser de nombreuses mises en situation, mais une partie de la formation, notamment théorique, peut être réalisée en distanciel grâce aux outils dédiés à la FOAD (Formation Ouverte et à Distance).
Formation initiale
Pour être opérationnel en secours d’urgence, un sapeur-pompier reçoit une formation initiale en équipe. Le programme est défini dans un référentiel interne d’organisation de la formation et de l’évaluation (RIOFE) qui décrit les différentes phases du parcours de formation (arrêté du 22 août 2019 relatif aux formations des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires). Vous pouvez trouver un exemple détaillé d’un RIOFE équipier SUAP en cliquant sur ce lien (@SDIS41).
Les unités militaires investies à titre permanent de missions de sécurité civile, peuvent également mettre en place ce type de référentiel (cf. article 2 de l’arrêté précité). En règle générale, elles possèdent leurs propres documentations (ex BSP 200.2 de la BSPP).
Les termes employés pour désigner ces formations sont différents selon les institutions. Quelques exemples :
- Au sein d’une AASC, un secouriste est titulaire du PSE1 et un équipier secouriste est titulaire du PSE 2
- Au BMPM, on parle d’une qualification ESAP pour « équipier secours à personne » (avec différents brevets élémentaires)
- A la BSPP, c’est la qualification SAV pour « secours à victime »
- Au sein des SDIS, la qualification équipier prompt-secours et équipier VSAV
Cette liste peut être complétée par d’autres qualifications, notamment dans le secourisme en milieu aquatique.
Formation continue
La Formation de Maintien et de Perfectionnement des Acquis (FMPA) est régie par la même réglementation. Très récemment l’arrêté du 21 décembre 2020 portant sur l’organisation de la formation continue dans le domaine des premiers secours est paru au JO du 05/01/2021.
Il met fin à l’experimentation démarrée en 2017 sous l’égide de la DGSCGC afin d’harmoniser et de simplifier la formation continue SUAP sur le territoire, pour l’ensemble des acteurs du SUAP.
L’ARRÊTÉ DU 21 DÉCEMBRE 2020 EN RÉSUMÉ
Il définit :
- les qualifications soumises à formation continue
- les modalités et volumes horaires minimums annuels (minimum de 6h de face à face pédagogique en présentiel obligatoire)
- les qualifications de l’encadrement et leur nombre
- le contenu du programme sauf exception comme cette année
- les modalités réglementaires notamment l’évaluation, la durée de la validité de la FC
- les attestations types et leurs modalities de délivrance
- la création d’une liste d’habilitation préfectorale, conforme à l’ensemble des procès verbaux dressés. Le préfet ayant la mission de contrôle de la bonne exécution des directives ministérielles
- la particularité pour les SDIS concernant les équipes pédagogiques départementales qui sont formées par l’équipe pédagogique de la zone de défense à laquelle ils sont rattachées. (les conseillers techniques SUAP de chaque département constituant généralement l’équipe zonale).
Enfin la formation continue est réputée valable sur tout le territoire national. Un complément technique peut être demandé en fonction du matériel présent dans l’organisation.
Une liste d’aptitude annuelle est ainsi rédigée et transmise en préfecture.
NDLR : à la date de la rédaction de cet article nous avons eu l’information que l’arrêté précité sur la formation continue sera très prochainement modifié, notamment l’annexe 1 avec l’ensemble des attestations. Rescue18 consacrera un article spécifique afin de détailler les différentes modalités mises en oeuvre dans ce dernier.
Les véhicules d’intervention dédiés aux missions SUAP
Plusieurs véhicules de secours peuvent assurer des missions SUAP. Ils répondent aux exigences de la norme européenne NF EN 1789+ qui s’applique aux ambulances routières capables de transporter au moins un patient sur un brancard.
Cette norme définit 3 catégories d’ambulances routières :
- Type A : transport sanitaire
- Type B : soins d’urgence
- Type C : unité mobile de soins intensifs
En 2008, le Véhicule de Secours aux Asphyxiés et Blessés (VSAB), qui appartenait au type B, a été remplacé, au sein des SDIS, par le Véhicule de Secours et d’Assistance aux Victimes (VSAV), appartenant au type C, dont la conception et l’équipement permettent le transport, les soins intensifs et la surveillance des patients.
L’équipage est formé d’au moins 3 personnels.
Les VSAV sont limités à 5 personnes transportées, victime y compris selon la norme précitée. Les effectifs en sus doivent, en conséquence, être transférés dans d’autres véhicules concourant à l’intervention.
Chez les sapeurs-pompiers, on trouve en plus des VSAV, les Premiers Secours Évacuation (PSE) qui sont spécifiques à la BSPP.
Chez les AASC on trouve des « Véhicule de Premiers Secours à Personnes » (VPSP).
Le matériel dédié aux missions SUAP
Dans le cadre de ces missions, les équipages disposent de matériels spécifiques pour effectuer les premiers soins auprès de la victime et mesurer certains des paramètres vitaux (couramment appelés les « constantes ») : matériel d’immobilisation, de ventilation, de contrôle des hémorragies, de soins des plaies et des brûlures, le défibrillateur, l’appareil de mesure de la saturation pulsée en oxygène (SpO2), de la tension artérielle (TA), de la température, parfois de la glycémie capillaire. Dans certains secteurs, les sapeurs-pompiers réalisent l’enregistrement d’électro-cardiogrammes qui seront télé-transmis à un médecin régulateur. Autant de dispositifs que les équipes se doivent de connaître et d’entretenir. Le bon état de fonctionnement de ces matériels est vérifié lors des inventaires quotidiens systématiques.
La gestion d’une intervention SUAP
Rôle du chef d’agrès
La conduite d’une intervention SUAP suit un cadre défini par le référentiel national (3). C’est le chef d’agrès (aussi appelé chef d’intervention ou chef d’équipe prompt secours au sein des AASC) qui est responsable de la conduite de ces différentes étapes, du départ en intervention jusqu’au retour au centre de secours. Il devra veiller à la sécurité de l’intervention puis à la réalisation des premiers gestes auprès de la victime. Il renseignera le bilan circonstanciel, le bilan fonctionnel avec évaluation systématique des 3 fonctions vitales (neurologique, respiratoire et circulatoire) puis le bilan complémentaire avant de procéder au contact médical pour transmettre le bilan complet de l’intervention. En cas de détresse, le bilan d’urgence vitale suffit à passer un bilan précoce pour demander des renforts.
Transmission du bilan
La transmission du bilan, par voie téléphonique ou radio-numérique (ANTARES par exemple), est une étape clé de l’intervention : le chef d’agrès doit décrire la situation au médecin régulateur, de la façon la plus précise. Les circonstances, l’évolution initiale de la victime, son état au moment de l’examen effectué par les sapeurs-pompiers, les éléments concernant les antécédents médicaux et chirurgicaux ainsi que les traitements de la victime s’ils sont connus, sont autant d’éléments essentiels à transmettre au médecin. A sa demande, le chef d’agrès pourra compléter l’interrogatoire et l’examen afin d’apporter tout élément complémentaire utile au raisonnement médical pour orienter la victime vers la structure de soins la plus adaptée et lui proposer la meilleure prise en charge.
Décision médicale sur les suites de la prise en charge
Le médecin régulateur a alors plusieurs choix possibles selon l’état de la victime : il peut décider d’engager une équipe médicale en renfort ou proposer un transport hospitalier non médicalisé vers la structure hospitalière de proximité la plus adaptée. Si l’état de la victime est rassurant, il peut également proposer à la victime de rester sur place en lui transmettant des conseils médicaux.
Quand l’état du patient justifie des soins avancés
Il existe une graduation de la réponse opérationnelle en fonction de l’état de gravité de la victime. Si des soins infirmiers ou médicaux s’avèrent nécessaires avant le transport de la victime, des renforts médicalisés ou para-médicalisés peuvent être déclenchés, soit dès le départ, soit à l’issue du bilan du chef d’agrès. Ces moyens sont issus des SSSM ou des SAMU qui collaborent dans l’adaptation de cette réponse opérationnelle.
L’équipage sur place, informé de l’arrivée d’un renfort, préparera son arrivée :
- en complétant la fiche bilan
- en recherchant des documents relatifs à la santé de la victime : courriers médicaux, ordonnances, résultats d’examen
- en facilitant l’accès à la victime
- en anticipant sur l’étape du brancardage si ce dernier s’avère complexe (demande de renforts spécifiques)
Suite et fin de l’intervention
L’intervention peut se poursuivre par un transport hospitalier de la victime, ce qui est la situation la plus courante. En l’absence d’équipe médicalisée sur place, c’est le chef d’agrès qui poursuit la conduite de l’intervention. La surveillance de la victime doit être constante car son état peut évoluer et justifier la reprise d’un bilan vital voire d’un contact médical en cas de dégradation manifeste.
- Le brancardage
L’étape du brancardage jusqu’au véhicule de secours devra faire l’objet d’une attention particulière car la mobilisation de la victime peut aggraver son état.
- Le transport
Durant le transport, un équipier reste en permanence au contact de la victime. Certains SDIS ont également obligé la présence du chef d’agrès en cellule durant cette opération.
- L’arrivée à l’hôpital
Ce n’est qu’après avoir réalisé les transmissions à un personnel soignant (médecin ou infirmier d’accueil) que la prise en charge de la victime s’achève pour l’équipage. (signature et nom de la personne qui prend en charge sur la fiche bilan)
L’intervention, elle, ne sera terminée que lorsque l’équipe aura effectué la désinfection du matériel et le réarmement si besoin. Lorsque l’équipe et l’engin sont prêts à prendre en charge une nouvelle victime, le chef d’agrès rend compte de la disponibilité de son engin et de son équipage.
Conclusion
Les sapeurs-pompiers sont les premiers acteurs du secours d’urgence en France. Avec le soutien de bénévoles des associations agréées de sécurité civile, ils participent sur l’ensemble du territoire à la prise en charge des premières minutes si cruciales des situations de détresse.
Dans de nombreuses pathologies, cardiaques, neurologiques ou lors d’un traumatisme sévère, la rapidité d’intervention, de prise en charge et d’évacuation sont fondamentales pour sauver des vies : « time is muscle », « time is brain » ou encore la « golden hour » en traumatologie.
Le SUAP et l’AMU sont indissociables et les acteurs du SUAP sont les précieux alliés des médecins régulateurs adapter la réponse opérationnelle et proposer la meilleure prise en charge à la victime.
L’activité SUAP des sapeurs-pompiers est dense et très variée. Elle leur confère une expérience de terrain unique et des compétences qui leur permettent de s’adapter à tout type de situation. Quelle que soit la nature du sinistre (incendie, explosion, inondation, secours routier, chute de hauteur, agression, etc) les sapeurs-pompiers interviennent avec la même logique opérationnelle, le même engagement pour garantir la sécurité, maitriser le sinistre et prodiguer les premiers soins.
Exposés au cours de toutes leurs missions à des risques particuliers, les sapeurs-pompiers peuvent aussi compter sur leurs compétences en SUAP pour prodiguer les premiers soins à leurs camarades, en cas d’accident de service.
Le SUAP s’intègre ainsi de façon cohérente dans toutes les missions des sapeurs-pompiers et occupe une place fondamentale tout au long de leur carrière.
Sources
1- Allocution du Colonel Allione du 16 octobre 2020 : 2- Statistiques des SDIS éditées par le ministère de l’intérieur : l’activité SUAP était à 2900949 interventions annuelles en 2007 et à 391100 en 2017.3- Référentiel national de secourisme (préciser exactement les termes)