La Préparation Physique Opérationnelle – Partie 2

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Après avoir fait l’analyse de l’activité opérationnelle et défini l’APS, nous allons maintenant aborder les pratiques courantes en unités opérationnelles et déterminer la pratique idoine pour les sapeurs-pompiers.  


Les pratiques courantes en unités opérationnelles…

Le parcours sportif sapeur-pompier…

Crédit photo : Sdis 76
Crédit photo : Sdis 76

Le parcours sportif du sapeur-pompier (ou PSSP) a été créé le 26 octobre 1949 par un arrêté signé conjointement par la ministre de l’Intérieur et le ministre de l’Education Nationale. Les épreuves étaient les suivantes :

1- Course de 4 x 25 mètres

2- Tirer d’un dévidoir sur 100 mètres

3- Lancer de commandes dans un cercle de 4 mètres de diamètre tracé au sol situé à 12 mètres de la ligne. Six essais maximum et la commande ne devait pas se dérouler.

4- Course de 20 mètres

5- Reptation de 10 mètres sous une bâche ou un filet tendu à 0, 35 m du sol

6- Course de 20 mètres

7- Porter d’un tuyau de 70 mm de 20 mètres sur 50 mètres et franchir au vingt-cinquième mètre une barrière fixe de 1 m de haut

8- Se rétablir sur une échelle de 4 mètres de long, fixée horizontalement à 1,20m de hauteur. La traverser sur toute sa longueur, soit debout, soit à « quatre pattes ».

9- Charger un sac de 30 kg, le transporter durant 2 x 25 mètres. A l’aller et au retour, franchir en les enjambant trois obstacles de 0,50 m espacés de 1 m.

Toute chute du concurrent, chute du tuyau, plus de six essais aux commandes ou esquive d’obstacles était éliminatoire.

A noter : à cette époque aucune femme n’était sapeur-pompier et les quelques sections Jeunes Sapeurs-Pompiers ne l’effectuaient pas.

Le PSSP actuel : L’arrêté du 29 mars 1966 lui donne la configuration actuelle (cf vidéo). Il s’agit d’une épreuve spécifique aux sapeurs-pompiers français composée d’un parcours d’obstacles d’une distance de 350 mètres: celui-ci est basé sur le principe d’un parcours combiné avec enchaînements d’actions et de gestes opérationnels.


Le parcours adapté à l’opérationnel…

Tel est le nom donné par la Fédération Nationale des sapeurs-pompiers de France pour ce parcours d’auto-évaluation de la condition physique.

Grands principes :
  • La responsabilité individuelle de la condition physique est l’un des trois principes annoncé lors du congrès de Nantes ;
  • L’objectif de ce parcours non chronométré, réalisé en binôme, est de fournir à tous les sapeurs-pompiers, un outil « d’auto-évaluation de la condition physique » dans des conditions opérationnelles ;
  • Ce parcours doit être reproductible sur tout le territoire national, du Centre de Première Intervention (CPI) au Centre de Secours Principal (CSP), sur un plateau de 20 m par 20 m ;
  • A l’issue chaque participant doit pouvoir répondre à quatre questions.
Quatre questions essentielles :

1- Lors de votre parcours, avez-vous rencontré des difficultés physiques ?

2- Si oui, lesquelles ? (musculaires, cardiovasculaire, mauvaise gestion de l’effort…)

3- Que comptez-vous faire? (se rapprocher du SSSM, de la filière Encadrement des Activités Physique (EAP), autre …)

4- Seriez-vous prêt à repartir tout de suite pour refaire le parcours ?

Suite à l’arrêté du 30 novembre 2020 relatif aux épreuves physiques communes aux concours externes ouverts pour le recrutement de sapeurs-pompiers professionnels, le PPA fait désormais parti des épreuves de pré-admission au même titre que l’épreuve de natation et l’épreuve d’endurance cardio-vasculaire.

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Parcours Professionnel Adapté

Les sports collectifs…

Dans de nombreux centres de secours, pour ne pas dire la majorité, l’APS se résume trop souvent à la pratique de sports collectifs notamment lors de la séance de fin de journée. La part des accidents de football a fortement augmenté chez les SPV, alors qu’elle reste quasi similaire pour les SPP depuis 2016. Le deuxième sport le plus accidentogène chez les SPP est le volley-ball.

Les séances de fin de journée n’étant pas encadrées régulièrement par des membres de la filière EAP, elles laissent souvent libre cours à des séances de jeux de ballons sans règles et sans arbitre pour réguler le jeu. Par conséquent, les risques d’accidents sont élevés.

Comme c’est le cas depuis de nombreuses années, le football constitue l’activité la plus accidentogène tout statut confondu. Il s’agit aussi de l’activité la plus pratiquée chez les sapeurs-pompiers. Les sports collectifs présentent de nombreuses vertus, que ce soit sur le plan physiologique, notamment sur la capacité et puissance aérobie, la vitesse et la coordination, mais aussi et surtout sur l’aspect cohésion.

L’objectif principal de ces sports est de s’organiser collectivement et selon les règles du jeu pour vaincre l’adversaire. Néanmoins, sa pratique doit faire l’objet de règles tant au niveau de la mise en place d’un échauffement systématique, de l’arbitrage, que du temps de jeu également, pour minimiser le risque de blessures.

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Crédit photo : Sdis 06

Dans les pratiques courantes, nous retrouvons également la course à pied et la natation, pour les centres de secours disposant d’un accès à une structure aquatique. Le travail de renforcement musculaire fait également partie des pratiques courantes.

Ces dernières pratiques ont effectivement des intérêts très intéressants dans le développement des qualités physiques suivantes: endurance, force, vitesse, coordination et souplesse. De plus le développement de l’aisance en milieu aquatique, lors de la pratique de la natation, revêt un caractère primordial notamment en cas de sauvetage en milieu aquatique par exemple.

Le travail de renforcement musculaire est également très intéressant pour le sapeur-pompier, de par le développement des qualités physiques qu’il entraîne, et il est  nécessaire, eu égard aux nombreuses contraintes physiologiques et matérielles évoquées précédemment. Néanmoins cette pratique, comme les sports collectifs, nécessite d’être structurée et adaptée pour éviter les blessures, écueils de la pratique sans encadrement adapté.


L’entraînement croisé des qualités physiques ou « Cross Training »…

Les éléments évoqués précédemment nous permettent de déduire quelques orientations sur le contenu idoine de la PPO.

Il semble évident que le développement et le maintien, de l’endurance, la force et la coordination, qualités physiques les plus prégnantes lors d’une intervention pour feu de structure par exemple, soit la priorité dans la préparation physique du sapeur-pompier.

Les méthodes et pratiques pour développer ces qualités sont nombreuses et variées, avec des limites propres à chacune d’elles.

Ainsi le développement et le maintien de la puissance et de la capacité aérobie peuvent se faire  à travers la pratique de la course à pied par exemple.

Le développement de la force (force maximale, force explosive ou force endurance) peut quant à elle, se faire à travers la pratique du renforcement musculaire.

La complexité du développement et du maintien de ces qualités physiques, implique une pratique très régulière et donc chronophage.

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Crédit photo :
Brigade de Sapeurs-pompiers de Paris

Néanmoins, il existe d’autres méthodes d’entraînement permettant de travailler ces différentes qualités physiques lors d’une même séance. L’hébertisme est une philosophie de vie développée par Georges Hébert à partir des années 1910 et a servi de source d’inspiration à beaucoup d’autres méthodes de préparation physique. Il comprend six volets: 

  • Un entraînement complet par la Méthode Naturelle
  • Un apprentissage de métiers manuels courants
  • Une culture mentale et morale
  • Une culture intellectuelle
  • Une culture esthétique
  • Une initiative naturiste

L’entraînement croisé des qualités physiques ou « Cross Training », permet de travailler les différentes qualités physiques au sein d’une même séance, ce que l’on retrouve au niveau opérationnel, en terme de sollicitation physiologique, et permet aussi de lutter contre les déséquilibres musculaires. La marque la plus connue et médiatisée du cross training est « CrossFit ».

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Crédit photo : Alan Longer

Le mot « CrossFit » vient de la contraction de « Cross Fitness » (en français, entraînement croisé), appelé ainsi parce qu’il mélange différentes activités physiques et sportives préexistantes.

Les pratiquants du « CrossFit » courent, rament, grimpent à la corde, sautent, déplacent des objets, pratiquent des mouvements olympiques d’haltérophilie ainsi que des exercices au poids du corps, utilisent des haltères(réglables ou girevoys), des anneaux de gymnastique, des boîtes, des sacs de sable et tout autre objet pouvant servir de poids.

C’est donc un entraînement qui  combine principalement la force athlétique, l’haltérophilie, la gymnastique et les sports d’endurance.

En effet, il axe son fonctionnement autour de dix compétences athlétiques : endurance cardiovasculaire et respiratoire, endurance musculaire, force, souplesse, puissance, vitesse, agilité, psychomotricité, équilibre et précision.

Ainsi, le  programme « CrossFit » se veut d’augmenter la capacité de travail dans ces différents domaines en provoquant par les entraînements des adaptations neurologiques et hormonales au travers des différentes filières métaboliques. Ceci afin de préparer ses pratiquants à s’adapter à n’importe quels efforts physiques rencontrés tous les jours grâce à la variété des entraînements, l’utilisation de mouvements poly-articulaires et l’intensité élevée du travail.

La pratique du cross training semble être vraiment adaptée et efficiente, pour le développement et le maintien des qualités physiques du sapeur-pompier. Cette pratique, comme les autres, doit faire l’objet de précautions pour ne pas être délétère, notamment dans l’apprentissage des mouvements techniques afin d’avoir une maitrise suffisante, autorisant l’utilisation  de charges additionnelles.

L’intensité de l’entraînement doit être aussi une préoccupation permanente peu importe l’activité physique pratiquée. Ainsi, il est fortement déconseillé de réaliser un entraînement de très haute intensité les jours de garde, afin d’éviter de diminuer ses capacités physiques en cas d’intervention. On privilégiera donc des séances permettant la préservation de son capital physique opérationnel. 

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Crédit photo : Alan Longer

S’entraîner au plus près des conditions réelles du terrain est une réelle plus-value dans le cadre de la Préparation Physique Opérationnelle.

Le port des EPI et l’utilisation du matériel opérationnel sont à ce titre,  effectivement très intéressant à de nombreux point de vue (physiologiques, techniques,…) en veillant toutefois à la propreté des EPI (cf GDO Prévention des risques liés à la toxicité des fumées d’incendie) et la disponibilité du matériel opérationnel.

Pour éviter de diminuer ses capacités physiques, les séances de forte intensité se réaliseront à distance des jours de garde, afin de permettre à l’organisme, une récupération complète.

L’hydratation, l’alimentation et le sommeil participent pleinement aux facteurs de  récupération.

Des séances d’APS, à intensité modérée, pourront également être réalisées dans cet objectif. 

mannequin sauvetage

L’hygiène de vie est donc primordiale pour la récupération et ne doit pas être négligée, d’autant plus au sein des sapeurs-pompiers, où les différentes contraintes sont déjà très importantes. 

Conclusion…

La condition physique doit être une préoccupation constante tout au long de sa carrière au même titre que ses connaissances, compétences techniques et opérationnelles.

Avec deux objectifs principaux:

  • Objectif professionnel, pour développer et maintenir son efficience opérationnelle afin d’assurer sa propre sécurité et celles des potentielles victimes.
  • Objectif personnel, pour lutter contre les maladies cardiovasculaires, les troubles musculo-squelettiques, le mal-être.

Cette prise de conscience de l’impérieuse nécessité de posséder une condition physique opérationnelle, est le gage de sa propre sécurité en intervention et d’une longévité en bonne santé tout le long de sa carrière et même au-delà. Des personnels formés EAP sont présents au sein des différents services ou unités opérationnelles et sont à votre disposition pour pouvoir vous guider au mieux dans vos pratiques en matière d’Activités Physiques et Sportives, n’hésitez pas à vous rapprocher d’eux !

De plus, cette condition physique pourra également être votre alliée, outre dans votre vie de sapeur-pompier, mais bien dans votre quotidien. Je vous invite également à adopter rigoureusement les mesures sanitaires, recommandées, pour éviter la propagation du coronavirus.

Je finirai en citant Jean Jacques Rousseau: « Il faut que le corps ait de la rigueur pour obéir à l’âme… Plus le corps est faible, plus il commande; plus il est fort, plus il obéit. »

Bon entraînement !

Le guide de la préparation physique du sapeur-pompier de Michaël Goufier  (ENSOSP 2015) est cité dans l’ensemble des Référentiels National d’Activités et de Compétences du sapeur-pompier.  

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Ndlr: la Préparation Physique Opérationnelle est un concept déposé par CROSSOPS (c) 

vincent.luneau
Author: vincent.luneau

Sous-officier de l'Armée de l'Air et de l'Espace Janvier 2001-Septembre 2005. Sapeur-pompier professionnel depuis Septembre 2005, Sdis 78 puis Sdis 36. Sapeur-pompier volontaire au sein du Sdis 91 de 2002 à 2010. Sapeur-pompier volontaire SDIS 36 CTA CODIS. CATE, IMP 2, EAP 2, OTAU, OCO.

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