La préparation opérationnelle chez les sapeurs-pompiers est un gage de qualité et de sécurité pour la réussite des interventions. Quel héritage est issu de notre histoire ? Comment se décline-t-elle, sous quels formats et pour quels enjeux ?
» La plus grande des immoralités est de faire un métier qu’on ne sait pas. «
Napoléon
Un peu d’histoire…
En 1760, Pierre Morat devient le second directeur des pompes du Roy. Rapidement, il fait le constat que ses hommes manquent d’expérience, de connaissances sur la science des incendies et d’entraînement.
En effet, à cette période, ses personnels cumulent leur métier et la fonction de garde-pompe. Ce principe de cumul d’activité est d’ailleurs toujours d’actualité pour les sapeurs-pompiers volontaires. Aussi, jusqu’en 1792, afin d’améliorer l’efficacité de ses hommes, Morat va développer les premières formes du retour d’expérience (Retex) et parallèlement va concevoir plusieurs outils et systèmes d’extinction efficaces. Le Régiment devient la référence et les grandes villes de province envoient leurs ingénieurs se former à Paris.
Enfin pour aguerrir ses personnels, il décide d’instituer une journée de formation mensuelle ; la manoeuvre mensuelle était née ! Elle permettra ainsi aux gardes-pompes de s’exercer à l’emploi des pompes, des échelles et d’approfondir leurs connaissances dans le domaine de la lutte contre les incendies.
Ce rendez-vous mensuel est toujours d’actualité dans la majorité des centres de secours français, notamment pour les sapeurs-pompiers volontaires.
Généralités
La préparation opérationnelle comprend toutes les mesures visant à préserver et à développer les compétences individuelles et collectives. Elle est essentielle pour atteindre le niveau d’engagement opérationnel nécessaire pour que la mission réussisse. Elle s’inscrit dans la continuité de la formation, qui permet l’acquisition initiale des connaissances, compétences et savoir-être, à travers des séances d’instruction individuelle et de maintien des acquis. La formation n’est pas suffisante en elle-même, elle sert de base pour la préparation opérationnelle.
La préparation opérationnelle regroupe la préparation physique, les séances d’instruction collective, les manœuvres de la garde et les exercices terrain. A cela, s’ajoute l’ensemble des FMPA, qu’elles soient obligatoires ou spécialisées.
Le but de la préparation opérationnelle est de compenser l’incertitude et d’accroître la conscience et l’acceptation du risque, tout en optimisant la réponse, la prise de décision et l’adaptabilité des parties prenantes (chaîne de commandement en particulier) à tous les niveaux.
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Quels objectifs et comment ?
L’enjeu de la préparation opérationnelle tend vers plusieurs objectifs stratégiques pour faire face aux évolutions des contextes et situations afin de maintenir la capacité opérationnelle du sapeur-pompier :
- confirmer que la préparation opérationnelle est cruciale malgré les exigences opérationnelles et les tâches courantes de la vie en caserne ;
- établir une planification cohérente et simple des gestes et connaissances nécessaires à maîtriser ;
- garantir l’aptitude à l’emploi ;
- augmenter l’exigence à tous les niveaux, notamment de commandement, pour se préparer aux interventions majeures, en mettant l’accent sur l’aspect interservices.
Une préparation quotidienne
La plupart des centres de secours dotés d’une garde « postée » ont adopté de longue date la règle d’une préparation journalière, plus communément appelée « manoeuvre ». Il s’agit, le plus souvent, d’un créneau d’environ deux heures ou les thèmes majeurs comme l’incendie, le SSUAP, le NRBC etc. sont abordés.
» On ne fait bien que ce que l’on fait souvent ! »
Cette répétitivité – certains parlent de mécanisation – doit se rapprocher le plus possible de la réalité ; elle tire sa genèse du drill militaire. Le principe est simple : plus on répète, plus on acquiert les bons gestes ! Cela constitue un gage de qualité, mais aussi de réduction des risques, lorsqu’on doit faire face à une situation qui sort de l’ordinaire ou périlleuse…surtout à 3h du matin !
Mais aussi physique
Le sapeur-pompier est soumis à des ICP (indicateurs de la condition physique) qui sont des tests annuels sportifs. Soumis régulièrement à des phases d’engagements intenses, le sapeur-pompier utilise son corps au service de la mission. Il doit donc tout naturellement pratiquer très régulièrement, lors de ses gardes et aussi en dehors, un ensemble d’activités qui forment sa préparation physique opérationnelle.
qui s’ouvre sur de nouvelles matières
La nécessité, toujours et encore (et je le dis sans ironie) de sortir de son CIS pour justement se confronter à la réalité du terrain. Les visites de secteur, d’Etaré, mais aussi les exercices de grande ampleur avec plusieurs engins sur des sites particuliers constituent des essentiels dans la construction de l’engagement et de la préparation opérationnelle. Bref, le sapeur-pompier doit connaitre son « terrain de jeu ».
A cela, il est pertinent de constater que certains SIS ont fait le choix d’intégrer des séquences d’éthique, de TOP et de facteurs humains (FH) afin de prévenir, sensibiliser et combattre certaines dérives et permettre une meilleure condition au travail.
Sans oublier…
Le sapeur-pompier est un couteau suisse opérationnel qui intervient dans de nombreux environnements : SMP, SAL, NRBC, SAV, USAR, SIC, etc.
Une grande partie de ces spécialités se voit fixer un nombre d’heures minimum obligatoires qui, certes, pèsent énormément dans le temps de travail, mais apportent là encore un gage de qualité et de sécurité lors de l’engagement.
Enfin, on peut constater une certaine démultiplication des FMPA : COD, VO, TASSS, engins spéciaux, etc. Elles sont toujours plus nombreuses, mais nécessaires pour sanctuariser un temps de pratique qui se veut efficient.
Une formation pas si obligatoire…
Cela peut paraître aberrant, mais si on écarte du cadre les FMPA liées à certaines spécialités, la seule FMPA qui reste obligatoire pour le sapeur-pompier est la FMPA-ES ; en clair, le recyclage secourisme annuel qui dure une journée.
Rien, hormis les orientations fixées par un DDSIS, ne réglemente le passage en caisson incendie et autres domaines liés à l’incendie. Je parle bien là des FMPA et non des formations initiales.
On peut donc se poser la question suivante : pourquoi ?
Bon rassurez-vous, on note tout de même une forte volonté des SIS d’annualiser, sous le régime des FMPA, un grand nombre d’items liés au domaine de l’incendie et au métier de sapeur-pompier dans sa globalité. Cela répond à un objectif de formation et de qualité, mais aussi de traçabilité grâce à des outils comme GEEF pour les SIS ou SIPO pour la BSPP.
La nécessité d’une doctrine ambitieuse
Si le SDACR fixe les grands axes qui régissent la feuille de route d’un SIS, il apparaît nécessaire et indispensable de décliner ces ambitions de manière plus précise et avec des objectifs réalistes.
La rédaction d’une doctrine de préparation opérationnelle peut répondre à ce besoin. Elle doit être ambitieuse et tendre vers des objectifs atteignables qui doivent placer le sapeur-pompier au coeur du sujet et hors de sa zone de confort.
» Entrainement difficile, guerre facile ! «
Légion Étrangère
La doctrine opérationnelle doit fixer ses objectifs avec une volonté appuyée afin d’engager chacun dans sa propre formation ; le premier acteur concerné reste soi-même. Un « je veux » sera toujours plus directif que « il faut tendre vers » pour atteindre le sacro-saint 100%. Néanmoins, et ce n’est qu’un avis personnel, l’emploi de l’impératif doit rester mesuré et une doctrine doit introduire une dose de conditionnel.
En clair, quel serait l’impact si les recyclages incendies devenaient obligatoires ? Manque d’effectif ? Engin indisponible ? Contentieux si un personnel « décale » sans être à jour et se blesse… La prudence et la mesure doivent guider la rédaction d’un tel document, mais ne doit pas obérer la volonté – forte – de la chaîne de commandement de perfectionner et aguerrir les personnels.
En conclusion…
La préparation opérationnelle, sa nécessité et ses enjeux font l’objet de nombreux chapitres dans les différents GDO rédigés par la DGSCGC. Il est donc normal que chacun en soit convaincu et s’y astreigne, surtout dans une profession ou l’adaptation et l’innovation est perpétuelle.
Enfin, je laisse à votre sagacité cet article de mon ami, le capitaine Bertrand MENA, qui avait déjà rédigé à ce sujet.
Bonne prépa ops et bonne lecture !
(Crédit photo : freepik / libre de droit)