SUAP #3.2 – LES BILANS – Le Bilan Primaire

Le bilan primaire, aussi appelé  « bilan d’urgence vitale », fait immédiatement suite au bilan circonstanciel. Après l’analyse globale de la situation, il s’agit de poser son attention sur l’état de la ou des victimes. 

Le bilan primaire a une priorité : identifier une détresse qui met en péril la vie de la victime et qui nécessite des gestes immédiats. Dans ce cas précis, un contact rapide est effectué pour solliciter un avis médical voire d’emblée un renfort . 

Rescue18 poursuit sa série d’articles SUAP dédiés aux bilans et vous invite à revisiter les fondamentaux du bilan primaire que vous soyez convertis au bilan ABCDE ou attachés à l’approche traditionnelle. 

1 – Deux écoles pour réaliser le bilan primaire

L’arrivée progressive et peut-être inéluctable du bilan ABCDE, nous conduit à différencier deux écoles pour réaliser le bilan primaire.

L’objectif reste le même : évaluer les fonctions vitales pour détecter dès les premières secondes une détresse et réaliser les gestes immédiats qui s’imposent, avant de rendre compte rapidement à l’autorité médicale territorialement compétente (CRRA 15) de l’état critique de la victime pour solliciter un renfort paramédical et/ou médical. 

Quelle que soit la méthode choisie par votre SDIS ou votre AASC, le bilan primaire commence par une étape fondamentale : observer la victime.

L’aspect et la position de la victime renseignent d’emblée sur son état et les circonstances. Et toute notion de traumatisme doit conduire à limiter les mouvements et mettre en oeuvre immédiatement un maintien tête. 

Le Bilan primaire traditionnel

Les dernières recommandations de décembre 2021 proposent toujours de réaliser le bilan primaire sous cet angle classique. 

Il décrit un ordre que l’on suit quasi religieusement depuis la nuit des temps de l’histoire du secourisme.

Une trame devenue automatique : « la victime s’étouffe, ou saigne abondemment ? », puis l’évaluation des trois fonctions vitales :

  • Conscience 
  • Ventilation 
  • Circulation

Le bilan ABCDE

Rescue18 a consacré un article à cette nouvelle approche secouriste que de nombreux SDIS ont souhaité mettre en place dans leur département. 

L’ABCDE conduit à considérer en priorité la détresse respiratoire : « airway-breathing ». Évaluer la liberté des voies aériennes puis la présence d’une respiration est la priorité avec cet algorithme. 

L’objectif est de détecter et donc traiter ce qui tue en premier.

Petite comparaison

Analysons de plus près le Bilan Primaire « traditionnel » et le Bilan Primaire « ABCDE ».

Dans le bilan ABCDE, un code couleur a été introduit :  les signes cliniques rouges motivent la demande réflexe d’un moyen médical sans attendre, alors que les signes cliniques oranges demandent une recherche de détresses vitales potentielles et un chiffrage des constantes pour motiver une demande de moyen en accord avec le médecin régulateur. 

Le bilan X-ABCDE ou MARCHE

Issu de la médecine de guerre, l’algorythme MARCHE priorise la recherche d’un saignement massif pour le contrôler le plus vite possible. Il est utilisé par certains SDIS en France. 

Sa déclinaison « ABCDE » est le « X-ABCDE » qui doit faire éliminer l’hémorragie massive (« X ») avant l’évaluation des voies aériennes et de la ventilation. 

Alors finalement, qui de la détresse respiratoire ou du saignement massif tue le plus rapidement ? Là encore, c’est le circonstanciel qui peut apporter des éléments de réponse. Car, en effet, dans un contexte d’attaque armée, qui plus est face à une situation multi-victime, c’est bien le saignement qui tuera en premier s’il n’est pas stoppé. Le chef d’agrès devra donc garder une approche globale de l’intervention et s’assurer que les trois fonctions vitales sont vérifiées et stabilisées en moins de deux minutes. 

2 – L’importance des signes cliniques

Le bilan primaire, classique, ABCDE ou X-ABCDE, repose sur une analyse visuelle de l’état de la victime. Il ne nécessite aucun matériel. C’est une évaluation clinique. Il s’agit d’observer la victime à la recherche de signes qui traduisent une détresse immédiatement vitale et de percevoir quelques valeurs mesurées sans nécessité de matériel (pouls radial notamment). 

Rappelons que l’immobilisation du rachis cervical doit être effectuée dès les premières secondes en cas de traumatisme du rachis avéré ou suspecté. 

Les signes d’une détresse respiratoire

Une personne présentant des difficultés à respirer et qui n’est plus capable de parler, est en grande détresse respiratoire. 

Dans le cas d’une victime inconsciente, une évaluation de la fréquence ventilatoire permet de détecter l’absence de ventilation ou une ventilation totalement anarchique et inefficace (gasps). 

La respiration peut alors être caractérisée comme bruyante, superficielle et difficile. La victime présente-t-elle des sueurs, une cyanose ? 

Les signes d’une détresse circulatoire

En présence d’un saignement, la perte de sang peut d’emblée orienter vers une détresse circulatoire. Il sera important de préciser si l’hémorragie est contrôlée ou non. 

La pâleur, la soif seront recherchées chez la victime et seul le pouls sera évalué durant le bilan primaire.

Dans une situation de détresse circulatoire, il sera mal perçu ou filant, irrégulier voire absent. L’absence de pouls radial perceptible est le signe d’une chute de la tension artérielle systolique en dessous de 80mmHg.

Les signes d’une détresse neurologique

L’évaluation neurologique se fait en quelques secondes, la victime doit répondre à une question simple et à un ordre simple : le fameux « serrez moi les mains, ouvrez les yeux ! ».

On peut ensuite évaluer si la victime est réactive à la stimulation simple, puis à la stimulation douleureuse. Le calcul rapide d’un score de Glasgow (entre 3 et 15) est parfois utilisé pour donner une indication plus précise au médecin. 

Ne jamais oublier le circonstanciel

Les éléments circonstanciels sont essentiels pour définir la gravité potentielle de la victime. Et certains éléments peuvent ne venir qu’au compte goutte au fil de l’intervention. 

En cas de traumatisme notamment et ce, même en l’absence de détresse apparente, la victime doit être considérée comme traumatisée du rachis et nécessiter une immobilisation soigneuse. 

Lors d’un accident de la voie publique, une cinétique élevée avec une déformation majeure d’un habitacle ou de la carrosserie, devra faire considérer la victime comme grave avec un contact médical immédiat.

3 – À chaque détresse, son geste immédiat à mettre en œuvre

Pour chaque détresse détectée, un geste immédiat approprié s’impose pour tenter de stabiliser l’état de la victime. Ces gestes s’accompagnent toujours d’une position d’attente adaptée. La suite du bilan ne s’envisage qu’une fois les gestes mis en œuvre. À l’issue, une nouvelle évaluation de la fonction vitale concernée est réalisée avant de passer à la suivante.

Détresse respiratoire

Liberté des voies aériennes

Préalable indispensable à une recherche efficace de la présence d’une respiration, les voies aériennes supérieures doivent être dégagées, si besoin par des manoeuvres de désobstruction. Le principe est similaire à une perte de pression à la lance : il faut d’abord analyser la ligne établie à la recherche d’un coude ou autre obstacle avant d’augmenter la pression à la pompe. Ici, insuffler et administrer de l’oxygène à une victime dont les voies aériennes ne sont pas libres serait totalement inefficace et l’état de la victime continuerait à se dégrader. 

Recherche de la présence d’une respiration.

Si la respiration est absente ou anormale (moins de 6 mvts/min ou moins de 1 mouvement efficace en 10 secondes), on adoptera la conduite à tenir pour une victime inconsciente qui ne respire pas.

Si la victime ventile mais présente des difficultés à respirer sans obstacle au niveau des voies aériennes, elle sera placée en position d’attente : assise ou demi-assise.

Aider le patient à mieux respirer : administrer de l’O2. 

Saignement massif

Face à une victime qui présente un saignement actif, l’arrêt du saignement est une priorité pour limiter la perte du volume sanguin circulant, indispensable à la vie (5 à 6 litres pour un individu de 80kg) mais aussi la perte de précieux facteurs de coagulation qui permettent au sang de coaguler. Ce mécanisme fait passer le sang d’un état liquide à un état visqueux qui permet l’arrêt du saignement, le caillot formant comme un bouchon. 

Dans une situation où la victime a perdu beaucoup de sang, le risque est une chute de la tension artérielle par baisse du volume sanguin circulant. La position adaptée est donc la position  allongée.

Enfin, la protection thermique de la victime est indispensable pour éviter ou limiter l’hypothermie. En effet, les mécanismes physiologiques de coagulation sont altérés lorsque la température du corps diminue. 

Lutter contre l’hypothermie est donc une priorité chez les victimes présentant une hémorragie, dès les premières minutes de l’intervention : retirer les vêtements humides, isoler du sol et couvrir. 

Victime inconsciente

Face à une victime qui ne répond pas, qui ne réagit pas même à douleur, il faut rechercher si elle respire. Si la victime est sur le ventre, elle doit être retournée tout en maintenant et en préservant le rachis cervical. (manoeuvre à 2 secouristes)

Si la victime ventile de façon efficace, la position d’attente sera alors la PLS avec mise sous oxygène et surveillance continue de la fonction respiratoire.

Si la victime est inconsciente et ne ventile pas, les manoeuvres de réanimation cardio-pulmonaire seront entreprises immédiatement sur une victime placée à plat dos sur un support rigide. 

4 – Transmission du bilan primaire

Dès qu’une détresse est détectée et que les premiers gestes sont réalisés ou en cours grâce aux équipiers, le chef d’agrès doit immédiatement contacter la régulation médicale pour demander un renfort ou tout du moins un avis.

Selon les pratiques, il peut se faire par voie radiophonique sur le canal dédié à la santé ou par téléphone. 

Si la transmission se fait par téléphone, le système devra être structuré pour filièriser les appels urgents afin qu’une demande de moyen ou de conseil ne soit pas retardée dans une file d’attente d’appels non catégorisés.

Ce qu’attend un médecin régulateur ou un officier santé lors de la demande de renfort

Si aucun contact n’a été réalisé au moment du bilan circonstanciel, il sera essentiel de rappeler quelques éléments clés, avant d’aborder les détresses identifiées chez la victime.

Le médecin attend donc un rappel circonstanciel rapide, clair et précis avec notamment, par exemple, la hauteur en cas de chute, la cinétique (ou vitesse estimée) en cas d’accident, les circonstances de survenue d’une douleur thoracique ou d’un malaise, la notion d’une fin de vie à domicile, etc…

Il s’agit ensuite de rendre compte des éléments objectifs constatés et de leurs répercussions sur les fonctions vitales de la victime : neurologique, respiratoire ou circulatoire. 

Le médecin ou l’officier santé s’assure que les gestes de sauvetage ont été réalisés puis il peut guider le chef d’agrès sur des précisions cliniques dont il aurait besoin pour prendre sa décision concernant l’engagement d’une équipe médicale. 

L’usage désormais courant de moniteurs multiparamétriques permet d’obtenir rapidement quelques constantes comme une fréquence cardiaque et une saturation. Les gestes immédiats déjà mis en oeuvre par l’équipe peuvent stabiliser voire améliorer l’état de la victime. Les constantes pourront dans ces situations être demandées pour confirmer la bonne évolution et la poursuite d’un bilan secondaire sans engagement immédiat d’une équipe médicale. 

Les pratiques étant différentes d’un département à l’autre, il est important que les services collaborent entre eux à l’échelon local pour partager le même langage. Un médecin ne pourra pas exiger un score de Glasgow si ce score est retiré des pratiques au sein du SUAP chez les sapeurs-pompiers. L’idéal étant évidemment de travailler de concert dès la formation initiale, mais ce monde idéal n’existe que dans quelques rares endroits en France… 

Conclusion

Après avoir porté un regard global sur l’intervention et assuré la sécurité des intervenants, le chef d’agrès aborde le bilan primaire pour évaluer l’état de la victime. 

Dans la réalité d’une intervention, les éléments circonstanciels et cliniques s’entremêlent et se mélangent. Les trames de bilan classique ou ABCDE sont là pour aider à ne rien oublier. Le chef d’agrès doit garder le recul nécessaire pour structurer toutes ces informations qui lui arrivent parfois de façon désordonnée. Il doit prioriser ses actions et les consignes à donner à ses équipiers.

En l’espace de quelques minutes, il s’agit d’identifier les détresses et de tenter de les corriger grâce aux gestes des équipiers, tout en rendant compte de la situation au médecin régulateur. 

Ce raisonnement appliqué au bilan primaire ne sera pas réservé aux seules premières minutes de l’intervention. En effet, l’état d’une victime peut évoluer et devant toute dégradation, un bilan des fonctions vitales devra être conduit à nouveau et transmis sans délai au médecin. 

Article co-écrit par Forny et Rescue Doc.

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