L’été dernier, la mort du français Simon Gautier, parti randonner en Italie et ayant gravement chuté, a mis une fois de plus en lumière l’impérieuse nécessité pour les secours de disposer rapidement d’informations fiables sur la localisation d’une victime. En effet, le malheureux avait immédiatement prévenu les secours a l’aide de son portable, mais ne savait pas où il se trouvait. Sa localisation, à l’aide des relais téléphoniques avait donné une zone de recherche de 140 km² !!! Le corps du malheureux n’a été retrouvé que 9 jours plus tard, ses effets personnels repérés à la jumelle par un chasseur alpin.
L’AML, kezako ?!
L’AML, pour Advanced Mobile Location (localisation mobile avancée), est une technologie permettant de localiser avec précision un téléphone mobile passant un appel d’urgence. Cette fonction a été crée en 2014, au Royaume-Uni, par une alliance de trois opérateurs téléphoniques (EE, O2 et Three), et de deux fabricants de téléphones mobiles (HTC et Sony).
A la suite de cette expérience britannique, courant 2015 l’EENA (European Emergency Number Association) a publié un rapport, disponible ici.
L’AML a ensuite été intégrée à tous les smartphones Android depuis juillet 2016, avec la version 4.0 (Ice Cream Sandwich ou ICS). L’AML est bien une fonction incluse dans Android, et pas une appli à télécharger en sus par l’utilisateur du smartphone. Apple propose également l’AML sur ses Iphones depuis le printemps 2018, avec la sortie de la mise à jour iOS 11.3.
Comment ça marche ?
Lorsque l’appelant compose un numéro d’urgence, le smartphone le détecte et envoie automatiquement un sms à un serveur dédié, contenant les informations de localisation suivant la technologie la plus précise dont il dispose à l’instant : GPS, réseaux WiFi, relais téléphoniques. Le téléphone active et désactive seul les fonctions dont il a besoin pour se localiser, si le niveau de batterie est suffisant.
Le service de secours récupère alors ces données et peut localiser l’appelant, la précision sera alors de l’ordre de quelques dizaines de mètres, contre quelques hectomètres, voire kilomètres, pour les systèmes précédents !
Attention, il est toujours possible d’appeler un numéro d’urgence depuis un téléphone sans carte SIM, mais dans ce cas de figure l’AML sera inopérante.
L’AML, pour qui et pour quand ?
Une directive européenne de décembre 2018 prévoit dans son article 109-6 que : « Les États membres veillent à ce que les informations relatives à la localisation de l’appelant soient mises à la disposition du PSAP* (Public safety answering point ou centre de réception des appels d’urgence) le plus approprié sans tarder après l’établissement de la communication d’urgence. Ces informations comprennent les informations de localisation par réseau et, si elles sont disponibles, les informations relatives à la localisation de l’appelant obtenues à partir de l’appareil mobile. »
La directive fixe aux états-membres la date limite du 21 décembre 2020 pour mettre en place ce dispositif. La France a donc pris les devant, via la DGSCGC (Direction de la Sécurité Civile et de la Gestion des Crises) et notamment au travers de l’ANSC (Agence du Numérique de la Sécurité Civile, aussi en charge du projet NexSIS), en lançant une phase de test de l’AML, dès le 27 novembre 2019, dans les départements suivants : Alpes-Maritimes (06), Morbihan (56), Nord (59) et Var (83). Ce test a pour but de fiabiliser le système et repérer ses éventuelles failles, avant de l’étendre à l’ensemble du pays dans le courant de l’année 2020.
Traitement de l’alerte
Les centres de traitement de l’alerte français vont donc bientôt disposer d’un précieux outil pour localiser précisément leurs appelants. Mais prudence, l’AML ne fera pas tout ! De prime abord, de nombreuses alertes sont encore passées depuis une ligne fixe, où l’AML est de fait inopérante, mais il existe d’autres outils à disposition des opérateurs. Ensuite, il est très courant que l’appelant ne se trouve pas sur les lieux du sinistre, notamment pour les alertes relevant de personnes ne répondant plus aux appel.
Ainsi, même si l’AML est redoutable de précision, la sagacité des opérateurs à recueillir une adresse précise est toujours incontournable.
Pour la localisation des numéros de lignes fixes, les CTA peuvent s’appuyer sur la PFLAU (Plateforme de localisation des appels d’urgence) qui donne accès à l’adresse de facturation de ladite ligne, efficace pour un domicile, mais tout de suite plus hasardeux pour un lieu public ou de travail !
Avant la généralisation de l’AML, en 2016 les SDIS 56 (Cne M.DEROIDE) et 83 (LCL PASQUINI & L.CLERGET) avaient pris le taureau par les cornes en créant l’outil « GEOLOC_18/112 », qui permet à l’opérateur CTA d’envoyer un SMS sur le smartphone du requérant (avec GPS activé et connexion de données) afin de récupérer la position du mobile.
Le projet « GEOLOC_18/112 » a remporté le prix de l’innovation de l’ENSOSP 2016. Retrouvez le document de présentation du projet ici.
En guise de conclusion…
Avant le commencement du déploiement du nouveau système national d’information et de commandement, NexSIS, prévu pour 2021, l’arrivée de l’AML dans les CTA fait figure de révolution, et fera sans doute gagner beaucoup de temps aux opérateurs, et aux secours en général. Et ainsi permettre sauver plus de vies, de biens, d’emplois, de paysages.
Si l’AML était déployée dans l’union européenne entière, l’EENA estime qu’en 10 ans 7.500 vies et 95 milliards d’€ (!) supplémentaires seraient sauvés !!!
Pour aller plus loin…
- Recueil d’articles France Info sur la mort de Simon Gautier lien
- L’AML sur le site de DGSCGC lien
- Compte Twitter @geoloc18_112
- Site Web EENA
- Page CTA-CODIS R18
L’auteur remercie Steph, Fred et Nico, opérateurs CTA, pour leurs précieuses informations.
Crédit image : capture vidéo SDIS de l’Allier (CC BY 3.0 FR)