Tout sapeur-pompier, peu importe son ancienneté, a déjà prononcé ou entendu ces sigles au cours d’une garde ou lors d’une manoeuvre.
Le CTA ou Centre de Traitement de l’Alerte et le CODIS ou Centre Opérationnel Départemental d’Incendie et de Secours sont des structures à l’importance primordiale au sein des Services Départementaux d’Incendie et de Secours.
Rescue18 vous propose une série d’articles pour mieux comprendre l’origine des CTA-CODIS, les différentes structures existantes sur notre territoire, leurs missions et les acteurs qui les composent.
Après avoir évoqué en première partie, l’histoire des CTA CODIS, découvrons les aspects organisationnels, fonctionnels et structurels de ces unités indispensables au niveau opérationnel.
Organisations et fonctions
Placé sous l’autorité du Directeur Départemental des Services d’Incendie et de Secours(DDSIS), le centre de traitement de l’alerte (ou les CTA) est l’échelon avancé du CODIS pour :
- La réception ;
- Le traitement et la réorientation éventuelle des appels destinés à demander des secours ;
- Il fonctionne en permanence 24 heures sur 24. Il peut y avoir plusieurs CTA au sein d’un SDIS.
La circulaire ministérielle du 24 juillet 1991 définit le fonctionnement des CTA et des CODIS.
C’est le texte réglementaire qui reprend l’ensemble des textes précédents et décrit :
- Les fonctions et l’organisation du CTA ;
- Les fonctions et les missions du CODIS ;
- L’organisation du CODIS.
Fonctions du CTA
- Recevoir et authentifier les appels 18 ;
- Réorienter les appels vers le Centre de Réception et de Régulation des Appels 15 si besoin ;
- Répercuter les appels vers les Unités Territoriales ;
- Alerter les services publics concourants ;
- Rendre compte au CODIS.
Fonctions du CODIS
Le CODIS est :
- L’organe de coordination de l’activité opérationnelle des services d’incendie et de secours du département ;
- Immédiatement informé de toutes les opérations en cours et régulièrement renseigné sur l’évolution de la situation jusqu’à la fin des opérations ;
- Placé sous l’autorité du Directeur Départemental des Services d’Incendie et de Secours ;
- Chargé, en cas d’incendie et autres accidents, sinistres et catastrophes, d’assurer les relations avec le préfet et, en accord avec lui, de renseigner les autorités départementales et municipales ainsi que les autres organismes publics ou privés qui participent aux opérations de secours.
Deux principes doivent être strictement respectés :
La continuité du fonctionnement. 24h/24 et 7j/7 ;
L‘adaptabilité du fonctionnement aux différents niveaux d’activité opérationnelle.
Fonctions générales :
Prévision
Coordination
Moyens
Alerte-renseignement-information
Ces fonctions ne sont pas limitatives. Les missions générales du CODIS sont, en effet, fixées par le Directeur Départemental des Services d’Incendie et de Secours, dans le cadre du règlement de mise en œuvre opérationnelle (RO) établi par le préfet.
PRÉVISION
Le CODIS doit anticiper sur les événements.
À cette fin, il tient à jour la documentation opérationnelle afin de pouvoir la fournir, sans délai, au Commandant des Opérations de Secours sur les lieux de l’intervention :
- Règlements internes ;
- Fiches réflexes ;
- Plans de secours ;
- Plans ER ;
- Annuaires ;
- Conventions ;
- Cartographie, etc.
COORDINATION :
- Contribuer à la mise en œuvre des plans de secours ;
- Coordonner l’action des centres de secours en veillant à ce que les objectifs fixés par le directeur départemental soient atteints ;
- Suivre l’évolution des situations opérationnelles sur l’ensemble du département ;
- Veiller à la gestion de l’engagement et du désengagement, sous l’autorité du directeur départemental, des moyens publics et privés qui concourent aux opérations de secours.
MOYENS
Le CODIS doit veiller à ce que soit assurée en permanence la capacité opérationnelle des services d’incendie et de secours dans le département :
- S’assurer de la disponibilité opérationnelle des personnels sapeurs-pompiers et des matériels des services d’incendie et de secours ;
- Demander, en cas de besoin, au préfet , les renforts nécessaires pour compléter les moyens engagés.
ALERTE-RENSEIGNEMENT-INFORMATION
Le CODIS a la responsabilité d’alerter :
- Le DDSIS ;
- Les autorités municipales ;
- Les autorités préfectorales
- Le COZ (Centre Opérationnel de Zone) ;
- Les autres organismes concernés.
En cours d’opération, le CODIS doit :
- Leur rendre compte de l’évolution de la situation ;
- Conserver la trace des informations orales et écrites reçues et transmises ;
- Conserver les éléments statistiques permettant de faire évoluer le service opérationnel, la prévention, la prévision, la formation, les acquisitions.
FONCTIONS PARTICULIERES DU CODIS :
- Activité opérationnelle normale ;
- Activité opérationnelle particulière.
LE CODIS EN ACTIVITE OPERATIONNELLE NORMALE
Sous l’autorité d’un cadre, chef de salle, qui gère les personnels du CTA :
- Se tient informé des alertes et des opérations en cours ;
- Informe les responsables opérationnels ;
- Gère les moyens.
LE CODIS EN ACTIVITE OPERATIONNELLE EXCEPTIONNELLE :
- Renforce les personnels ;
- Est placé sous le commandement du DDSIS ou de son représentant ;
- Fait le bilan des moyens engagés ;
- Evalue les moyens en renfort ;
- Anticipe la logistique nécessaire.
L’organisation du CODIS
LOCALISATION DU CODIS :
- Protégé contre les risques naturels ;
- Doté de dispositifs de sécurité et de sûreté ;
- Facilement accessible par la route et par les airs (hélicoptère) ;
- Dans une zone favorable à la propagation des ondes radio ;
- Dans un local fixe, distinct du COD de la Préfecture et du CTA (si 2 entités distinctes) ;
- Si possible dans les locaux du SDIS ou à proximité.
ESPACE GESTION DE CRISE :
- Un espace technique ;
- Une salle informatique ;
- Une salle énergie ;
- Le CODIS doit être en liaison permanente avec les centres de secours. Ces liaisons, dans un souci de sécurisation, sont en général redondantes.
Les dispositifs de traitement des appels d’urgence des services d’incendie et de secours sont interconnectés avec :
- Les centres de réception et de régulation des appels (CRRA) des unités participant au Service d’Aide Médicale Urgente (SAMU) ;
- Les dispositifs de réception des appels destinés aux services de police, Centre d’Information et de Commandement (CIC) et Centre d’Opérations et de Renseignement de la Gendarmerie (CORG).
Les différentes structures
Les logiciels d’alerte et de gestion modulaire des sapeurs-pompiers
Systèmes de Gestion de l’Alerte
Chaque service d’incendie et de secours (SIS) s’est équipé unilatéralement de systèmes d’information destinés d’une part, à la réception et au traitement des demandes de secours, à travers un système de gestion des alertes (SGA), et d’autre part à l’engagement des moyens d’interventions, à l’aide d’un système de gestion opérationnelle (SGO). Édités par différents industriels, ces systèmes d’information répondent aussi à des spécificités propres à chaque SIS, si bien qu’ils sont très inégaux et qu’ils ne peuvent pas être interconnectés.
Systèmes de Gestion Opérationnelle
Améliorer l’efficience des opérations de secours est une priorité pour le SIS et la gestion de l’information représente un levier d’efficacité énorme.
Prenons comme exemple le processus de traitement des alertes qui est le carrefour d’une multitude d’informations provenant de sources différentes et des quatre coins du Système d’Information. Lors de la réception d’un appel de secours, le CTA doit mettre à profit des informations variées, telles que, les données géographiques, les équipements disponibles, l’armement des véhicules, les aptitudes médicales, les formations des équipes…
Avec un système d’information structuré et urbanisé, chaque référentiel est directement connecté et fournit les informations nécessaires immédiatement sans ressaisie, telle est la vocation d’un SGO. Aujourd’hui, il existe plusieurs SGO issus de fabricants différents.
En effet, de nombreuses sociétés ont développé à destination des sapeurs-pompiers, des logiciels de gestion modulaire facilitant ainsi grandement, aussi bien, la gestion de l’alerte (SGA), la gestion opérationnelle (SGO) ou la gestion d’information géographique (SIG).
Nous citerons ici, trois acteurs de cette gestion modulaire :
Systel – Start
SIS – Artemis
Géo concept -ADAGIO
Les CTA et les CODIS associés
Parmi les SIS, la grande majorité est organisée autour d’un CTA-CODIS unique. Ils reposent sur deux entités gérées et mises en œuvre par le même personnel en fonctionnement courant.
La prise d’appel et la gestion opérationnelle des moyens sont traitées et mises en œuvre par un personnel dédié exécutant les 2 missions.
Cette configuration, généralisée dans les SIS de catégorie C, est adaptée à une activité opérationnelle faible par rapport à la moyenne nationale.
Aménagement / Agencement
Organisés sur le même plateau, nous retrouvons les espaces de travail suivants :
- La réception des appels, armée 24 heures/24 avec des opérateurs et un chef de salle ;
- Le centre de coordination opérationnelle, armé comme le CTA ;
- La salle de débordement, qui peut servir de site pour décrocher un flux d’appels massifs ou de site de réception des appels en cas de défaillance de la salle principale ;
- L’espace de coordination opérationnelle supplémentaire qui permet la gestion d’une opération particulière et/ou dimensionnante (salle de crise). En fonction des SIS, nous pouvons retrouver une ou plusieurs salles de ce type ;
- Nous pouvons retrouver aussi des SIS où la fonction CTA est aussi CODIS et où le centre opérationnel n’est ouvert que pour les opérations particulières. C’est le cas de 25% des SIS où la fonction CODIS n’est pas permanente ;
- L’espace de coordination armé par un chef de salle ou un officier CODIS.
Les CTA et CODIS dissociés
Ce mode d’organisation repose sur la présence de deux entités gérées et mises en œuvre par des personnels différents en fonctionnement courant.
La prise d’appel est assurée par des opérateurs de traitement de l’alerte (OTAU) et la gestion opérationnelle est assurée par des opérateurs CODIS (OCO). Cette configuration est adaptée à une activité opérationnelle soutenue où les situations sensibles se multiplient. Nous retrouvons ce mode de fonctionnement plutôt dans les SIS de catégorie A et B.
En cas de montée en puissance de l’activité opérationnelle ou de la gestion d’une intervention particulière ou multiple, l’organisation ne souffre de presque aucune latence mis à part un renfort éventuel en personnel dans chacune des entités.
Si la tendance est à unifier physiquement les CTA et les CODIS, la lecture des indicateurs nationaux des SIS montre que plusieurs disposent de deux à trois salles de réception des alertes délocalisées. Ces salles sont intégrées dans des CIS ou dans des locaux dédiés. La réception des alertes est ainsi répartie, la coordination restant unique.
Les plateformes communes
Après avoir expérimenté à l’hiver 2013-2014 le regroupement des plateformes 17 et 18/112 sous l’égide de la Brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP), le ministère de l’Intérieur a engagé début 2015 une réflexion sur la mutualisation des plateformes d’appels sur le territoire national.
Il n’existe pas de guide conceptuel ou de mode d’emploi pour créer une plateforme commune. D’ailleurs, le Sénat propose « qu’en cas de succès de l’expérimentation, un référentiel national relatif au fonctionnement des plateformes soit élaboré par l’ensemble des acteurs concernés ». Les retours d’expérience de celles qui existent sont donc précieux. A l’exception de la plateforme qui regroupe le 17 (police), le 18 et le 112 pour Paris et la petite couronne, les autres associent le 15, le 18 et le 112.
Pour certaines, la collaboration se limite à une colocation : les deux services sont installés dans le même bâtiment. D’autres vont plus loin, non seulement ils sont au même étage mais aussi sur le même plateau. C’est le cas dans l’Ain. « Depuis deux ans, nous partageons un open space sécurisé, détaille Hugues Deregnaucourt DDSIS. Quand on se voit au quotidien, on trouve plus facilement des solutions ensemble. Nous avons bâti des arbres décisionnels communs. Nous avons les mêmes réflexes, envoyons les mêmes moyens. Et en cas de problème, on se voit tout de suite pour les régler. C’est un avantage énorme, par exemple la définition sur des carences ambulancières ne se pose pas dans l’Ain. »
Le SAMU et le SDIS interviennent chacun dans leur domaine dans la mission partagée du SUAP. Cette situation de chevauchement de mission et de coordination de leurs interventions dans le cadre du « secours à personne », a conduit une vingtaine de SIS à franchir le cap d’une coopération quotidienne sur le même espace de travail.
Une évidence professionnelle accompagnée d’une volonté politique
Ce concept est largement encouragé aujourd’hui avec la multiplication du nombre d’appels d’urgence et l’explosion des missions de SUAP.
C’est aussi une des volontés du Président de la République, Emmanuel MACRON : « .. ce quinquennat doit être aussi l’occasion avec ce même objectif, de mettre en place des plateformes uniques de réception des appels d’urgence. Aux Etats-Unis, il suffit de faire le 911 ; en Europe et tout particulièrement en France, c’est beaucoup plus compliqué. (…) l’opportunité offerte par cette réforme pour nos concitoyens mais nous avons besoin d’une plateforme commune, de simplifier les choses et d’avoir une plateforme commune de réception des appels (..), je souhaite que nous puissions aller plus loin, simplifier les choses pour qu’un meilleur service, une plus grande simplification, ces réflexes du quotidien soient pleinement adoptés. »
Des exemples pertinents et prometteurs
La mutualisation va bien plus loin dans quelques départements comme le Tarn-et-Garonne, l’Aude… Le Sdis et le Samu de la Haute-Savoie ont été les premiers en France à créer un centre commun de traitement et de régulation des appels au 15, au 18 et au 112, en 1996. Plusieurs partenaires publics et associatifs se joignent au dispositif : le service de téléalarme du conseil départemental, les ambulanciers privés, les médecins libéraux, puis le Samu social, le 115. « Nous disposons d’un logiciel commun pour gérer l’alerte, la réponse opérationnelle et les moyens depuis 2011, expose Pascal Lorteau, DDSIS. Le pôle dédié au décroché est partagé par les opérateurs pompiers et Samu. »
Suivant la nature de la demande, précisée par quelques questions posées au requérant, le logiciel propose à l’opérateur de transférer l’appel soit vers un autre service comme la police, soit vers l’un des pôles « métiers » de la plateforme : la régulation médicale, le 115, ou vers le CTA.
« On pourrait créer ce frontal d’appel au niveau régional avec le risque que les opérateurs ne connaissent pas l’organisation des secours d’urgence dans chaque département », observe le docteur Thierry Roupioz, directeur du Samu de Haute-Savoie.
La plateforme 15-18-112 des Vosges a franchi l’étape du logiciel unique d’aide à la décision et surtout du décroché commun en 2018. En clair, les appels sont traités indifféremment par des personnels du Samu et des pompiers. C’est le premier opérateur qui est libre qui répond. Un modèle de mutualisation qui a échoué en Indre-et-Loire.
« Certes, un pompier ne fait pas le même métier qu’un ARM, (assistant de régulation médicale), analyse le Dr Marc de Talancé, directeur du Samu des Vosges. Mais les deux savent faire du débruitage d’appels d’urgence, on les a formés pour. Les appels pour la permanence des soins, en revanche sont décrochés par des ARM. » Une organisation qui pourrait préfigurer le numéro unique d’appels d’urgence…
Les Vosges et la Haute-Savoie ont atteint un niveau de coopération et de mutualisation très approfondi. « Cette organisation fonctionne et nul ne souhaite revenir en arrière, souligne Pascal Lorteau. J’ai connu des situations moins fluides qu’ici au cours de ma carrière. Toutefois, il faut avoir identifié cette exigence avant de se lancer dans un tel projet et en particulier s’entendre sur tout puisque, nous faisons cause commune. »
Cela ne va pas toujours de soi. Le Sdis du Tarn a rénové 245 mètres carrés de bâtiment prévus pour accueillir une plateforme commune, mais le Samu n’est pas venu, relève la chambre régionale des comptes dans un rapport de décembre 2017. Surcoût pour le Sdis : 230 000 euros. « Il reste du corporatisme, de la méfiance, on a peur que l’un prenne l’ascendant sur l’autre », regrette Thierry Roupioz.
En 2021, 3 des 21 centres communs 15-18 sont dits « virtuels » avec un système de gestion des alertes (SGA) unique mais les services sont positionnés dans des locaux séparés.
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Crédit photo : www.yvelines-infos.fr