Avant de se plonger dans la norme, je vous propose un peu d’histoire. Non pas l’histoire des outils que vous connaissez sûrement, mais l’histoire de la création du premier Véhicule Secours Routier (VSR). La connaissez-vous ?
Un peu d’histoire
Fin des années 60, les sapeurs-pompiers ne sont pas encore les principaux acteurs du secours routier. En effet, ils ne possèdent pas le matériel adéquat, ni les compétences ad hoc. On les appelle surtout pour donner un coup de main aux garagistes locaux. A cette époque, les accidents ne représentent qu’à peine 10 000 sorties de secours sur un total annuel de plus de 180 000. La lutte contre l’incendie reste la préoccupation première mais l’accidentologie routière explose.
Les années 70 sont synonymes de mortalité routière. En 1973, 185 517 interventions sont traitées en France contre 138 067 interventions incendie. La voiture se démocratise, on est loin de parler de sécurité active, passive et encore moins tertiaire.
Trois hommes vont être les grands acteurs de l’évolution du secours routier. Ces hommes sont Joseph Gallego que l’on ne présente plus , Edouard Van Eijk et Marc Arav. Attachons-nous aux deux derniers qui se rencontrent à Londres pendant leurs études et qui décident, une fois celles-ci achevées, de créer ensemble une entreprise. Ils créeront ensemble le concept français de l’engin secours routier sous la société Bemaex. Ce premier véhicule secours routier sera conçu en collaboration avec le SDIS de l’Oise et son directeur de l’époque, le Colonel Hardy. En 1980, ce tout premier VSR sera présenté au congrès de Périgueux sur un châssis Dodge G8675 – Série 100 comprenant le matériel de désincarcération, d’extinction, de balisage et d’éclairage. Ce premier véhicule servira de base à l’élaboration de la norme.
Après toutes ces années, comment ont évolué la norme et surtout ces véhicules si spécifiques ?
Ce véhicule « fourre-tout » cache des trésors, mais aussi des objets inutiles voire pénalisants. Porte-t-il la bonne appellation ? Répond-il aux besoins du 21ème siècle ? Je vous propose de faire un état des lieux de ce véhicule et de construire le véhicule d’aujourd’hui ou de demain.
Que se cache-t-il dans la norme ?
Le fameux VSR pour Véhicule Secours Routier fait partie de la grande famille des véhicules de secours et de lutte contre l’incendie (norme NF S 61-510). Il est classé comme engin technique de secours et d’assistance (NF S 61 -527) et appelé VSR alors qu’il est destiné aux opérations de secours routier ET de sauvetage.
Dans ces quelques lignes, tout est dit. On devrait plutôt l’appeler VSRS ! Mais non : le S correspond à une catégorie, on y reviendra.
Autre particularité bien cachée, ou historique, le véhicule secours routier et de sauvetage n’a pas vocation à effectuer des opérations d’extinction hydraulique.
Là, vous allez dire que je vous ai perdu ou que l’on vous avait caché des choses, mais pas du tout ! Dans les normes, il y a des formes verbales qui vous obligent (doit et doivent), d’autres qui vous guident (il convient ou il est recommandé) et d’autres qui laissent le choix (peut ou peuvent).
C’est avec ces verbes que l’on peut intelligemment construire un véhicule de secours routier efficace pour les véhicules légers comme pour les véhicules lourds et surtout pour le sauvetage. Je suis persuadé que, aujourd’hui, la majorité des VSR en France ne répondent qu’aux problématiques des véhicules légers.
Les catégories
Je vais sûrement en faire râler certains mais il n’y a QUE 3 catégories de VSR et 2 catégories de FPT/SR. Le FSR n’a pas d’existence et il n’a jamais été dans une norme. C’est simplement un abus de langage parce que dans un département ce devait être le véhicule le plus équipé ou ayant une cabine 6 places.
Il existe 3 catégories de VSR et 1 sous-catégorie :
- Véhicule de Secours Routier Léger (VSRL) : Véhicule de classe L
- VSRL < 3.5 t
- VSRL > 3.5 t
- Véhicule de Secours Routier Moyen (VSRM) : Véhicule de classe M
- Véhicule de Secours Routier Super (VSRS) : Véhicule de classe S
Il existe 2 catégories de FPT/SR :
- Fourgon Pompe Tonne Léger de Secours Routier FPTLSR
- Fourgon Pompe Tonne Secours Routier FPTSR
Une fois le choix de la catégorie effectué, il faut passer à l’équipement en respectant les éléments de la norme, mais pas que ! Dans la norme, on ne vous donne pas tous les détails malheureusement. Si je prends l’exemple d’un accident de voiture seul, nous aurons à disposition des moyens de stabilisations adaptés en termes de capacité. Mais si je suis confronté à un accident impliquant un engin lourd (poids lourd ou transport en commun), je n’aurai pas les outils de stabilisation nécessaires parce que la norme n’en parle pas.
L’équipement
Comme dans beaucoup de véhicules de notre profession, il y a du matériel obligatoire qui n’est jamais utilisé. Vous n’y changerez rien, ils sont inscrits dans la norme et chaque SDIS la respecte.
Il y a eu des évolutions importantes depuis 2019. Il faut bien lire entre les lignes, ces évolutions font indéniablement réduire le coût du véhicule. Cette réduction doit vous permettre d’utiliser cette économie en la réinvestissant dans des outils nécessaires aux missions d’aujourd’hui. Ces outils ne seront pas un luxe, mais ils permettront d’agir rapidement et efficacement lors des missions complexes, plus courantes de nos jours.
Premier exemple
On découvre que le VSR n’a pas vocation à effectuer des opérations d’extinction hydraulique. Ça veut tout simplement dire que vous pouvez économiser de la place (Cuve 400l + groupe + dévidoir + additif) et surtout de l’argent. Les extincteurs sont, eux, obligatoires. Là aussi, la norme ne le précise pas, mais l’introduction d’un extincteur CO2 dans le lot d’extincteurs obligatoires se révèle utile pour la mise à l’arrêt d’un véhicule lourd en dernier recours ou pour des débuts de feu de classe D.
Deuxième exemple
La génératrice utilisée pour l’alimentation des groupes et pour l’éclairage est également devenue optionnelle. En 2024, vous disposez chez tous les fournisseurs d’outils des groupes autonomes hydrauliques, des outils hydro-électriques, de l’éclairage LED sur batterie. Aucun de ces outils n’est relié au véhicule. Ils se chargent en station une fois le véhicule raccordé dans la remise ou sur opération lorsque le véhicule est en marche. Je viens de vous faire réaliser une deuxième économie…
Le matériel
Pour remplir votre VSR, il faudra se référer à sa catégorie. Plus la catégorie est importante, plus vous aurez des matériels imposés par la norme. Attention aux quantités indiquées, elles n’expriment rien.
Dans l’extrait suivant de la norme (NF S 61 -527) est exprimé 1 pour le nécessaire de calage dans l’ensemble des catégories. Il faudra par conséquent construire vos besoins en stabilisation pour faire face aux différentes missions.
Je ne vais pas rentrer dans tous les détails de l’annexe « Matériels » mais simplement vous donner quelques pistes.
Prenons une MGO SR (prochain article) classique pour déterminer nos besoins opérationnels.
La sécurité incendie est couverte par les extincteurs.
La stabilisation
La stabilisation du véhicule léger, quelque que soit sa position, est assurée par des ensembles de cales, d’étais voire de sangles. Attention rien n’est noté dans la norme.
La stabilisation d’un véhicule utilitaire peut être réalisée par des jeux de cales et/ou d’étais. Attention, là aussi, la masse de ce type de véhicule dépasse largement les masses acceptables des étais pour véhicules légers. Même si l’addition de 2 ou 3 étais VL fera l’affaire, il est bon de se poser la question de la possibilité d’être muni d’étais de plus grande capacité.
Cette réflexion de disposer de moyens de stabilisation grande capacité n’a jamais été posée et encore moins écrite. Nous sommes bien dans un Véhicule de Secours Routier et de Sauvetage. Pour procéder à un sauvetage d’un conducteur poids lourd, il faut d’abord stabiliser le tracteur cabine (7.5t) voire son chargement.
Beaucoup de départements se retrouvent démunis lorsqu’ils sont face à des situations d’envergures.
Par conséquent, la réflexion sur la stabilisation doit se faire du véhicule le plus léger aux véhicules les plus lourds roulant sur nos routes. La stabilisation lourde se fait avec des moyens peu encombrants et très légers. Ces outils de stabilisation grande capacité seront triplement efficaces parce qu’ils pourront également servir à la stabilisation d’une charge lors d’un levage avec coussins ou étais hydrauliques (principes fondamentaux) et pourront servir de premier outil de stabilisation lors d’un effondrement.
Les outils hydrauliques et de levage
Les outils hydrauliques sont déterminés par une quantité et une capacité. La ligne « accessoires » est importante. Elle correspond à tous les accessoires utiles pour l’utilisation des outils hydrauliques (chaines, plaques de supports, protections souples ou dures (bouclier)). L’erreur à ne pas commettre serait d’oublier le kit chaînes. Si aujourd’hui, on n’enseigne plus la fameuse technique de relevage de la colonne de direction pour les véhicules légers, les chaînes restent utiles pour de la traction (tire fort / treuil) de tableau de bord dans le domaine lourd et d’autres techniques.
Le lot petits outillages vous permet de disposer de matériels électroportatifs novateurs (clé à chocs, scie sabre, visseuse, grignoteuse etc.) très utiles face aux véhicules récents.
La plateforme est imposée dans les VSRM et VSRS.
Le levage de charge doit être réalisé par le VSR. La norme n’est pas claire. Elle impose une capacité de levage sans mettre de hauteur de levage alors que l’on sait que plus un coussin prend forme plus il perd en capacité. Je vous recommande d’acheter au moins 4 coussins par paire identique. Ces deux jeux vous permettront de réaliser un levage sécuritaire (il faudra des étais pour stabiliser la charge). A contrario, il est écrit que vous devez être en capacité de réaliser au moins trois manœuvres.
Cette information vous permet de calibrer vos besoins en air. J’en profite pour rappeler que les coussins ont une durée de vie de 15 ans. Au-delà, ils doivent être changés ou passer en ré-épreuve tous les ans. Il est également écrit dans la norme (NF E 13731) que les coussins sont employés en liaison avec d’autres moyens pour supporter ou stabiliser la charge. Encore une fois, sans étais de grande capacité, la mission sera risquée.
La norme n’évoque pas les cylindres ou étais de levage. L’ajout de ces outils dans la norme supprimerait la problématique de besoin en air. Il serait alors de la responsabilité des acheteurs de choisir le besoin qu’ils souhaitent. Les étais hydrauliques sont diffusés par les fournisseurs depuis 10 ans et deviennent indispensables de nos jours.
Le cas des engins hybrides
La norme pour les FPTLSR ou FPTSR est construite de la même façon. L’arrivée des outils hydro-électrique permet de gagner de la place. Il faut construire son véhicule suivant les missions que vous lui avez données. Il reste avant tout un FPT.
Mon avis pour conclure
Je ne suis pas de ceux qui aime l’opulence, je suis plutôt mesuré. Je m’interroge souvent et je partage quotidiennement mes pensées sur des moyens achetés par certains SDIS et leurs utilisations. Certains moyens équipés à outrance et d’autres mutualisés avec une autre spécialité n’ont pour moi pas d’utilités. Pour réaliser nos missions du quotidien, il faut des choses simples ; simples à utiliser par nos collègues qui n’ont pas que le secours routier comme mission. Il faut surtout du bon sens dans nos besoins et travailler avec des outils du 21ème siècle.
Le VSR ne doit pas être le véhicule fourre tout, mais le véhicule répondant au plus juste aux deux missions qui lui sont dévolues avec des outils fonctionnels. N’oublions pas que le cœur de ses missions (VSR/FPTSR) sont les victimes et que nous devons être prompts et efficaces.
Il est donc possible de gagner en place et de réaliser de belles économies.